CROSSES A SERPENTS.
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tic Moïse, changée en serpent pour détruire ceux de la magie égyptienne. Le mot de eÛY/<3
inscrit sur le tuu de iabbé ïsaru viendrait à l'appui de cette interprétation, qui se con-
cilierait d'ailleurs avec la première, pour peu qu'on eût expliqué le miracle de l'Exode comme
le lait l'auteur des Sermons attribués à saint Augustin, puisque, selon lui, la verge du législa-
teur était l'image de la croix et ne lut transformée en serpent que pour indiquer la vraie
sagesse, celle qui triomphe de la fausse sagesse du monde
Souvent, enfin, dans lart antique, le serpent a représenté le serpent d'airain : témoin, les
sarcophages, les vitraux, la colonne de Milan. Or, de toutes les allusions bibliques, cette der-
nière serait ici, sans aucun doute, la plus naturelle, après que le Sauveur nous a montré dans
le serpent sa propre image Mais de quelle manière le serpent, symbole ordinaire du démon,
a-t-il pu devenir celui du Sauveur? Sur la colonne du désert était-il à la lois l'un et l'autre à
divers égards ? Il y a, en effet, un accord unanime parmi les Pères à voir dans le serpent d'ai-
rain non un représenté comme le faisaient les anciens, ni une image directe du
Sauveur comme 1 entendaient les Opbites, héritiers des Nicolaïtes etdes Gnostiques (S. Augus-
tin, de j%rres., c. XHÏ et XLVt); mais bien le serpent d'Êve, de sorte que le rapprochement
ne tombe que sur les effets. '< Le serpent d'airain, dit saint Grégoire de Naziance (Or. /^5,
ed. Afattr., t. 1, p. 863), était non le type, mais l'antitype de .Tésus-Christ, sa figure par oppo-
sition ..." S'il donne la santé, ajoute-t-il, à ceux qui le contemplent, c'est parce qu'ils le
croient frappé à mort, entraînant dans sa perte les puissances qui lui sont soumises, et écrasé
en un mot comme il méritait de l'être. Aussi quelle sera son épitaphe, sinon ces paroles
(I Cor., XV, 53) : est, ???ors, tdeform tua? mors, sdtmdus ûms (LL Osée, X1H, i/j.)? La
croix t'a vaincu 1 l'auteur de la vie t'a infligé la mort! Tu es étendu sans force, immobile, im-
puissant, mort et ignominieusement suspendu
* S. August., A crm. M/ppo-s., T. V, cd. Afonr.
dèr. Serai. XVIII, p. 38 : Virga iiia crucis mysterium
præferebat sicut enim... Pharao et populus ejus per virgæ
sacramentum afîligitur, ita et diabolus et aageii ejas per
crucis mysterium fatigantur et preamntur ut a Dei servitio
revocare non possint populum christianum...
Quod autem virga projecta in terram versa est in ser-
pentem, quid signifiât vidcamus. Serpens pro sapientia
reputatur... Virgam crucem diximus figurasse. Crux ergo
quæ infidelibus stuititia esse creditur... versa est in serpen-
tem, hoc est in sapientiam : et in tantam sapientiam quæ
crucem mundi istius sapientiam devoraret...
^ Dieu avait dit à Moïse, (Amn. XXI) : Fac serpentem
æneum, et pone eum pro signo : Qui percussus aspexerit
eum, vivet.—Moïse obéit, et l'Écriture ajoute : Quem cum
percussi aspicerent sanabantur. — Ce qui a fait dire au Sau-
veur (Joh., 111, IA) : Sicut exaltavit Moïses serpentem in
deserto, ita exaltari oportet Fi!ium hominis, ut omnis qui
crédit in ipsum non pereat, sed habeat vitarn æternam.
^ Dans son commentaire sur ce passage (ed. 1630. T. 11,
en l'air "
p. 1186), Nicétas remarque qu'il y aurait de l'impiété à
nommer l'esprit pervers le type de Jésus-Christ, et qu'ici
la comparaison est celie des contraires : «Le serpent conduit
au mensonge, Jésus-Christ indique la vraie vie; le serpent
n'était pas un vrai serpent, Jésus Christ était un homme
véritable ; le serpent tue des serpents ses semblables, Jésus-
Christ vivifie les hommes ses frères; enfin, Jésus-Christ
sauve ceux qui !e croient vivant et la vie même, tandis
que le démon guérit à condition que ceux qui le regardent
croient, non pas qu'il est vivant, mais, au contraire, qu'il
est vaincu par la croix et exterminé, quant à sa tyrannie, a
Cette manière d'envisager le serpent d'airain me parait
jeter beaucoup de jour sur le passage évangéüque, qui n'est
pas sans difficulté. Dès lors que le serpent était montré dans
l'état de malédiction qui avait commencé après le pre-
mier crime, et devait se consommer à la mort du Sauveur
et au jugement dernier, on conçoit que les malades en le
regardant suspendu dirigeaient leur prière vers le Messie
et comprenaient que le Messie seul était l'auteur de leur
guérison.
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tic Moïse, changée en serpent pour détruire ceux de la magie égyptienne. Le mot de eÛY/<3
inscrit sur le tuu de iabbé ïsaru viendrait à l'appui de cette interprétation, qui se con-
cilierait d'ailleurs avec la première, pour peu qu'on eût expliqué le miracle de l'Exode comme
le lait l'auteur des Sermons attribués à saint Augustin, puisque, selon lui, la verge du législa-
teur était l'image de la croix et ne lut transformée en serpent que pour indiquer la vraie
sagesse, celle qui triomphe de la fausse sagesse du monde
Souvent, enfin, dans lart antique, le serpent a représenté le serpent d'airain : témoin, les
sarcophages, les vitraux, la colonne de Milan. Or, de toutes les allusions bibliques, cette der-
nière serait ici, sans aucun doute, la plus naturelle, après que le Sauveur nous a montré dans
le serpent sa propre image Mais de quelle manière le serpent, symbole ordinaire du démon,
a-t-il pu devenir celui du Sauveur? Sur la colonne du désert était-il à la lois l'un et l'autre à
divers égards ? Il y a, en effet, un accord unanime parmi les Pères à voir dans le serpent d'ai-
rain non un représenté comme le faisaient les anciens, ni une image directe du
Sauveur comme 1 entendaient les Opbites, héritiers des Nicolaïtes etdes Gnostiques (S. Augus-
tin, de j%rres., c. XHÏ et XLVt); mais bien le serpent d'Êve, de sorte que le rapprochement
ne tombe que sur les effets. '< Le serpent d'airain, dit saint Grégoire de Naziance (Or. /^5,
ed. Afattr., t. 1, p. 863), était non le type, mais l'antitype de .Tésus-Christ, sa figure par oppo-
sition ..." S'il donne la santé, ajoute-t-il, à ceux qui le contemplent, c'est parce qu'ils le
croient frappé à mort, entraînant dans sa perte les puissances qui lui sont soumises, et écrasé
en un mot comme il méritait de l'être. Aussi quelle sera son épitaphe, sinon ces paroles
(I Cor., XV, 53) : est, ???ors, tdeform tua? mors, sdtmdus ûms (LL Osée, X1H, i/j.)? La
croix t'a vaincu 1 l'auteur de la vie t'a infligé la mort! Tu es étendu sans force, immobile, im-
puissant, mort et ignominieusement suspendu
* S. August., A crm. M/ppo-s., T. V, cd. Afonr.
dèr. Serai. XVIII, p. 38 : Virga iiia crucis mysterium
præferebat sicut enim... Pharao et populus ejus per virgæ
sacramentum afîligitur, ita et diabolus et aageii ejas per
crucis mysterium fatigantur et preamntur ut a Dei servitio
revocare non possint populum christianum...
Quod autem virga projecta in terram versa est in ser-
pentem, quid signifiât vidcamus. Serpens pro sapientia
reputatur... Virgam crucem diximus figurasse. Crux ergo
quæ infidelibus stuititia esse creditur... versa est in serpen-
tem, hoc est in sapientiam : et in tantam sapientiam quæ
crucem mundi istius sapientiam devoraret...
^ Dieu avait dit à Moïse, (Amn. XXI) : Fac serpentem
æneum, et pone eum pro signo : Qui percussus aspexerit
eum, vivet.—Moïse obéit, et l'Écriture ajoute : Quem cum
percussi aspicerent sanabantur. — Ce qui a fait dire au Sau-
veur (Joh., 111, IA) : Sicut exaltavit Moïses serpentem in
deserto, ita exaltari oportet Fi!ium hominis, ut omnis qui
crédit in ipsum non pereat, sed habeat vitarn æternam.
^ Dans son commentaire sur ce passage (ed. 1630. T. 11,
en l'air "
p. 1186), Nicétas remarque qu'il y aurait de l'impiété à
nommer l'esprit pervers le type de Jésus-Christ, et qu'ici
la comparaison est celie des contraires : «Le serpent conduit
au mensonge, Jésus-Christ indique la vraie vie; le serpent
n'était pas un vrai serpent, Jésus Christ était un homme
véritable ; le serpent tue des serpents ses semblables, Jésus-
Christ vivifie les hommes ses frères; enfin, Jésus-Christ
sauve ceux qui !e croient vivant et la vie même, tandis
que le démon guérit à condition que ceux qui le regardent
croient, non pas qu'il est vivant, mais, au contraire, qu'il
est vaincu par la croix et exterminé, quant à sa tyrannie, a
Cette manière d'envisager le serpent d'airain me parait
jeter beaucoup de jour sur le passage évangéüque, qui n'est
pas sans difficulté. Dès lors que le serpent était montré dans
l'état de malédiction qui avait commencé après le pre-
mier crime, et devait se consommer à la mort du Sauveur
et au jugement dernier, on conçoit que les malades en le
regardant suspendu dirigeaient leur prière vers le Messie
et comprenaient que le Messie seul était l'auteur de leur
guérison.