CROSSES A SERPENT BROUTANT LE FEUILLAGE,
20â
et que ce monstre doit être de la famille de ceux que célèbrent les vers sibyllins (iffuar. Pd?/.
P. P.; t. H, p. 5o8) en décrivant la nouvelle terre du royaume de mille ans :
Cumque lupis Agni per montes gramina carpent,
Permixtique simul pardi pascentur et hædi.
Cum vitulis ursi degent, armenta sequentes,
Carnivorusque )eo præsepia carpet nti bos.
J'en dois dire autant de la crosse romane
en corne possédée par M. Garrand (/éy. 6y ,
68, 69). Au premier abord, tout semblerait
fantaisie d'un ciseleur habile: au milieu de
rinceaux découpés à jour, des lions et des
aigles paissent en herbivores, et le serpent
lui-même dévore le feuillage. N'est-ce pas de l'art pour l'art? Mais le caprice
supposé ne vous paraît-il pas un vivant langage si vous le rapprochez de ce
que nous avons vu, c'est-à-dire du contraste évidemment intentionnel entre
le triomphe de l'Agneau et la défaite du serpent? Dès lors, ces bêtes inoffen-
sives au sein d'une nature luxuriante vous transportent dans le nouveau jar-
din de délices ouvert aux âmes rachetées. Un des caractères les plus saillants
de l'Eden était, avec les magnificences de la nature, la mansuétude des bêtes.
" Là, dit saint Basile (De Purudiso), se montraient toutes les variétés des
êtres vivants : et tous étaient paisibles, obéissants à l'homme, vivant entre
eux avec concorde. Le serpent lui-même n'avait rien d'horrible; il était doux utg. 66.
et docile, et au lieu de ramper odieusement comme s'il nageait sur la terre, il s'avançait sur
ses pieds dans une attitude droite et noble, » Sauf cette attitude, dont la malédiction l'a
privé, le serpent se montre ici comme les autres carnassiers dans sa douceur primi-
tive. Tel était aussi bien un des traits les plus populaires du renouvellement du monde:
" Alors, disait Lactance (1. c.), les bêtes cesseront de se nourrir de sang, les oiseaux de proie
de vivre de cadavres. De toutes parts régnera la paix. Les lions et les veaux mangeront à la
même crèche... l'enfant jouera avec les serpents. Alors enfin se renouvelleront les joies que
l'on goûtait d'après les poètes dans l'âge de Saturne ' (Virg. Égl. IV).
« Ultima Cumæi venit jam carminis ætas;
Magnus ab integro sæclorum nascitur ordo :
Jam redit et virgo, redeunt Saturnia régna. "
* On peut juger par le Dante combien iesbeHes images ieur sens ailégorique. Dans ie purgatoire (c. 22), Virgile
scripturaies expliquées par Lactance dans un sens miiiéna- demande à Stace comment il s'est converti au christia-
riste étaient restées famiiières à l'art du moyen âge dans nismeetmis à la suite du pêcheur de Galilée. Et Stace lui
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et que ce monstre doit être de la famille de ceux que célèbrent les vers sibyllins (iffuar. Pd?/.
P. P.; t. H, p. 5o8) en décrivant la nouvelle terre du royaume de mille ans :
Cumque lupis Agni per montes gramina carpent,
Permixtique simul pardi pascentur et hædi.
Cum vitulis ursi degent, armenta sequentes,
Carnivorusque )eo præsepia carpet nti bos.
J'en dois dire autant de la crosse romane
en corne possédée par M. Garrand (/éy. 6y ,
68, 69). Au premier abord, tout semblerait
fantaisie d'un ciseleur habile: au milieu de
rinceaux découpés à jour, des lions et des
aigles paissent en herbivores, et le serpent
lui-même dévore le feuillage. N'est-ce pas de l'art pour l'art? Mais le caprice
supposé ne vous paraît-il pas un vivant langage si vous le rapprochez de ce
que nous avons vu, c'est-à-dire du contraste évidemment intentionnel entre
le triomphe de l'Agneau et la défaite du serpent? Dès lors, ces bêtes inoffen-
sives au sein d'une nature luxuriante vous transportent dans le nouveau jar-
din de délices ouvert aux âmes rachetées. Un des caractères les plus saillants
de l'Eden était, avec les magnificences de la nature, la mansuétude des bêtes.
" Là, dit saint Basile (De Purudiso), se montraient toutes les variétés des
êtres vivants : et tous étaient paisibles, obéissants à l'homme, vivant entre
eux avec concorde. Le serpent lui-même n'avait rien d'horrible; il était doux utg. 66.
et docile, et au lieu de ramper odieusement comme s'il nageait sur la terre, il s'avançait sur
ses pieds dans une attitude droite et noble, » Sauf cette attitude, dont la malédiction l'a
privé, le serpent se montre ici comme les autres carnassiers dans sa douceur primi-
tive. Tel était aussi bien un des traits les plus populaires du renouvellement du monde:
" Alors, disait Lactance (1. c.), les bêtes cesseront de se nourrir de sang, les oiseaux de proie
de vivre de cadavres. De toutes parts régnera la paix. Les lions et les veaux mangeront à la
même crèche... l'enfant jouera avec les serpents. Alors enfin se renouvelleront les joies que
l'on goûtait d'après les poètes dans l'âge de Saturne ' (Virg. Égl. IV).
« Ultima Cumæi venit jam carminis ætas;
Magnus ab integro sæclorum nascitur ordo :
Jam redit et virgo, redeunt Saturnia régna. "
* On peut juger par le Dante combien iesbeHes images ieur sens ailégorique. Dans ie purgatoire (c. 22), Virgile
scripturaies expliquées par Lactance dans un sens miiiéna- demande à Stace comment il s'est converti au christia-
riste étaient restées famiiières à l'art du moyen âge dans nismeetmis à la suite du pêcheur de Galilée. Et Stace lui