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ce je ne sais quoi de grand qu’un habile statuaire donne à tous ses
ouvrages , la rendent encore plus curieuse et remarquable_
« Le modèle était une femme de vingt-sept à vingt-huit ans, un
peu grasse, avec des formes solides et charnues qui commençaient à
perdre de leur élasticité. Par suite du mouvement du corps, les flancs
donnent lieu à des plis de graisse, et le ventre, d’ailleurs fort gros , a
aussi des plis, accidents malheureusement assez communs dans la
nature, mais que la statuaire a toujours négligés. Enfin, je ne saurais
donner une meilleure idée de cette statue qu’en priant le lecteur de se
représenter en marbre la Sirène de Rubens, qui offre des perles à
Marie de Médicis dans le tableau du départ de cette princesse pour la
France; même excès d’embonpoint, mêmes formes vraies, mais tri-
viales; ajoutez aussi même talent d’artiste. Le peintre a épuisé les
trésors de sa riche palette sur un corps un peu ignoble, s’il faut le
dire; le statuaire a fait respirer son marbre; on sent la peau, et l’on
s’étonne quand on touche le marbre qu’il ne cède pas sous les doigts,
mollement, trop mollement, comme les muscles de son modèle. »
Le jugement de Henry Beyle (Stendhal) est le même (1). Le brillant
écrivain des Promenades dans Rome, si familier avec les chefs-d’œuvre
du Vatican et du Capitole, vient de parler de la médiocre statue
romaine d’Hygie, qui fut exhumée à Sainte-Colombe en même temps
que notre torse de Vénus, et qui était également exposée l’année der-
nière à Lyon. « La seconde statue est admirable , et pourtant la tête,
les bras et les pieds n’ont point été retrouvés; c’est une femme age-
nouillée dans la position de la Vénus à la Tortue. Les pairies de nu
qui restent, sont d’une vérité qui saisit. Chose rare dans l’antiquité,
l’artiste n’a pas voulu idéaliser. Le modèle fut sans doute une femme
de vingt-sept à vingt-huit ans, ressemblant déjà un peu trop aux
Nymphes de Rubens. »
Mérimée et Beyle ont eu raison : le torse de Vénus découvert au
milieu des ruines de l’édifice le plus somptueux du faubourg que
« Vienne la belle », paiera Vienna, projetait au-delà du Rhône, est
;'1) Mémoires d’un touriste, t. I, p. '190, édit, de 1854.
ce je ne sais quoi de grand qu’un habile statuaire donne à tous ses
ouvrages , la rendent encore plus curieuse et remarquable_
« Le modèle était une femme de vingt-sept à vingt-huit ans, un
peu grasse, avec des formes solides et charnues qui commençaient à
perdre de leur élasticité. Par suite du mouvement du corps, les flancs
donnent lieu à des plis de graisse, et le ventre, d’ailleurs fort gros , a
aussi des plis, accidents malheureusement assez communs dans la
nature, mais que la statuaire a toujours négligés. Enfin, je ne saurais
donner une meilleure idée de cette statue qu’en priant le lecteur de se
représenter en marbre la Sirène de Rubens, qui offre des perles à
Marie de Médicis dans le tableau du départ de cette princesse pour la
France; même excès d’embonpoint, mêmes formes vraies, mais tri-
viales; ajoutez aussi même talent d’artiste. Le peintre a épuisé les
trésors de sa riche palette sur un corps un peu ignoble, s’il faut le
dire; le statuaire a fait respirer son marbre; on sent la peau, et l’on
s’étonne quand on touche le marbre qu’il ne cède pas sous les doigts,
mollement, trop mollement, comme les muscles de son modèle. »
Le jugement de Henry Beyle (Stendhal) est le même (1). Le brillant
écrivain des Promenades dans Rome, si familier avec les chefs-d’œuvre
du Vatican et du Capitole, vient de parler de la médiocre statue
romaine d’Hygie, qui fut exhumée à Sainte-Colombe en même temps
que notre torse de Vénus, et qui était également exposée l’année der-
nière à Lyon. « La seconde statue est admirable , et pourtant la tête,
les bras et les pieds n’ont point été retrouvés; c’est une femme age-
nouillée dans la position de la Vénus à la Tortue. Les pairies de nu
qui restent, sont d’une vérité qui saisit. Chose rare dans l’antiquité,
l’artiste n’a pas voulu idéaliser. Le modèle fut sans doute une femme
de vingt-sept à vingt-huit ans, ressemblant déjà un peu trop aux
Nymphes de Rubens. »
Mérimée et Beyle ont eu raison : le torse de Vénus découvert au
milieu des ruines de l’édifice le plus somptueux du faubourg que
« Vienne la belle », paiera Vienna, projetait au-delà du Rhône, est
;'1) Mémoires d’un touriste, t. I, p. '190, édit, de 1854.