Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 13.1862

DOI Heft:
Nr. 1
DOI Artikel:
Jacquemart, Albert: Collection Sauvageot, [1]: les cabinets d'amateurs à Paris
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.17332#0050

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
GAZETTE DES BEA EX-A RTS.

fesseurs une trop grande avance sur lui. Nous ne pouvons lui attribuer
cette pensée mesquine; il était si facile alors de trouver, même à plu-
sieurs ! Non, il sentait bouillonner en lui cette séve de l'initiateur, qui le
place désormais en dehors de la foule; il rêvait un ordre de faits nou-
veaux dont ses contemporains lui devraient la découverte, et, comme
Dusommerard avait inventé le Moyen Age, il inventa la Renaissance.

Certes, l'idée de chercher des révélations historiques parmi des
objets généralement inconnus ou dédaignés ne peut germer clans un
esprit vulgaire. Vivement convaincu, animé d'une admiration véritable
pour ces géants du xvie siècle qui s'étaient pris à édifier l'autel de leur
dieu près des statues relevées d'Athènes et de Rome, Sauvageot s'efforça
de reculer de quatre siècles, et, comme le dit M. Sauzay, Henri II, Fran-
çois Ier furent ses rois; il aima Diane de Poitiers de cet amour enthou-
siaste qui inspirait Jean Goujon et Clément Marot.

Ainsi qu'il arrive souvent, ceux dont l'intelligent rétrograde espérait
les applaudissements, attendait le concours, furent des premiers à cri-
tiquer ses tendances; les artistes, les poètes, ces admirateurs sincères
de tout ce qui est beau, le soutinrent seuls de leurs encouragements ;
ils vinrent dans ce sanctuaire, dont l'accès leur demeurait facile, puiser
des inspirations neuves, recueillir cette couleur locale qui donne une
saveur particulière aux œuvres des écoles modernes.

Sensible comme tous les cœurs profondément convaincus, Sauvageot
fut blessé de l'abandon de ses pairs; il comprit par quelle lutte coura-
geuse et persévérante il faut établir une innovation, si désirable qu'elle
soit. Fermant rigoureusement sa porte à tout ce qui s'annonçait comme
savant ou archéologue, il ne voulut confier les secrets de ses décou-
vertes qu'à la bonne foi naïve des esprits non prévenus. Nous ne blâme-
rons pas une détermination qui, par suite de recommandations mal-
adroites, nous a privés longtemps du plaisir d'étudier une collection aussi
précieuse; nous ne grossirons pas non plus la foule des gens légers par
lesquels on entend répéter que Sauvageot était un homme atrabilaire
et fantasque. Nous comprenons trop bien les ardeurs de cette vie fié-
vreuse.

Livré le jour aux labeurs ingrats d'une carrière administrative, pen-
ché le soir sur son pupitre à l'Opéra, il calcule, le sublime avare, quelles
sommes la fin de mois lui permettra de consacrer à ses acquisitions
d'objets d'art; puis il classera méthodiquement ces pièces, épaves pré-
cieuses d'une grande époque, jetées capricieusement sur les rives du
bric-à-brac, et il s'écriera : Dispersa coegil « J'ai rassemblé ce qui était
épars ! »
 
Annotationen