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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 13.1862

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Nr. 5
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Delaborde, Henri: De quelques traditions de l'art francais à propos du tableau de M. Ingres Jésus au Milieu des Docteurs
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https://doi.org/10.11588/diglit.17332#0409

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JÉSUS AU MILIEU DES DOCTEURS.

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positions de Poussin, et, devant la Rébecca par exemple, perdre cà s'éton-
ner du costume que porte Eliézer des instants dus bien plutôt à l'exa-
men de la scène générale et des nobles intentions qu'elle traduit.

Dira-t-on qu'en prétendant reconnaître les inclinations ou les tradi-
tions françaises dans le talent de M. Ingres, nous oublions les emprunts,
assez dignes d'attention pourtant, que ce talent a pu faire à l'art grec et
à l'art italien? Certes, l'influence de pareils modèles a été grande sur le
peintre du Virgile et de F'Apothéose cVHomère, du Vœu ch Louis XIII
et de Saint Symphorien. Aujourd'hui encore, le tableau qu'il nous donne
révèle à cet égard des admirations obstinées, des études poursuivies avec
une ardeur infatigable; mais il ne dénonce pas, tant s'en faut, la manie
de l'imitation et l'érudition servile. En voyant le Jésus au milieu des
docteurs, on pourra se rappeler telle composition de Raphaël ou de Fra
Bartolommeo exprimant, comme celle-ci, le -goût de l'équilibre absolu,
de la rigoureuse pondération des lignes; la fraîcheur et la limpidité du
coloris remettront en mémoire les fresques d'Andréa del Sarto, tandis
que la franchise et la diversité des types nous feront songer aux œuvres,
si admirables en ce sens, des Masaccio et des Filippino Lippi : suit-il de
là que le mérite du tableau consiste dans l'amalgame d'éléments em-
pruntés? La méthode de M. Ingres n'a-t-elle d'autre principe que l'éclec-
tisme, d'autre fin que l'introduction clans la peinture d'une sorte d'ordre
composite dont les découvertes d'autrui feront les frais, et quelques com-
binaisons adroites la fortune? S'il en était ainsi, on ne s'expliquerait pas
chez le maître cette facilité singulière à varier, à renouveler son style en
raison de chaque sujet qu'il traite, de chaque exemple que la réalité lui
fournit. La vérité de la forme que tant d'autres esquivent ou suppriment,
soit pour y substituer la parodie banale de quelque type académique,
soit pour donner carrière à de fiévreux instincts d'émancipation, M. Ingres
l'aperçoit, la saisit et l'affirme, avec une telle sûreté de coup d'œil et de
goût, avec une telle décision dans la main, qu'il réussit cà convertir en
beautés jusqu'aux irrégularités expresses. Loin d'entrer en accommode-
ment avec les apparences particulières de ses modèles, loin de se laisser
dérouter même par ce qu'elles peuvent avoir d'exceptionnel ou de bi-
zarre, il envisage le tout en face, l'accepte et le revêt de noblesse à force
de bonne foi. Aussi, ce que dans la langue des arts on appelle le « carac-
tère, » ou, en d'autres termes, la représentation vivement accentuée
d'un fait clistinctif et imprévu, est-il, sous ce pinceau sans préjugés, un
moyen d'expression non moins éloquent que l'image de la beauté pro-
prement dite.

Veut-on des exemples? Il suffira de jeter les yeux presque au hasard
 
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