Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 13.1862

DOI Heft:
Nr. 5
DOI Artikel:
Gruyer, François-Anatole: Le triomphe de Galatée
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.17332#0446

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

grecque, associant le nom de Galatée au nom du cyclope, raconta
F amour du lils de Neptune pour la fille de Nérée, les dédains de la
nymphe et la vengeance de Polyphème1. Cette fable fut dès lors répé-
tée par les échos poétiques de la Grèce et de l'Italie. Théocrite, la
recueillant à Syracuse, où il vivait à la cour de Hiéron II, la chanta sous
une forme d'une exquise souplesse et d'une naïveté piquante2. Cent
cinquante ans plus tard, Ovide la répétait en ses Métamorphoses3. Sous
les Àntonins, Lucien reprenait cette fiction avec un esprit plus sceptique
et moqueur4. Philostrate enfin en faisait, au me siècle de l'ère chré-
tienne, le sujet d'un de ses Tableaux.

Il ne faut pas oublier que le paganisme primitif, écho naïf et poétique
de la nature, devait crouler dès que la réflexion deviendrait un peu exi-
geante; que, dès le temps de Pisistrate, la Grèce, déjà mécontente de sa
religion, se tournait vers l'Orient; qu'à l'époque romaine, le vieux culte
païen était devenu tout à fait insuffisant, qu'il ne disait plus rien à l'ima-
gination et très-peu de chose au sentiment moral, et que les anciens
mythes s'étaient changés en anecdotes, parfois amusantes et fines, mais
dénuées de toute valeur religieuse \ La fable de Galatée, telle que nous
la connaissons, n'est donc point un de ces traits vifs et lumineux qui
appartiennent à la période religieuse de la mythologie grecque. C'est un
conte fait à plaisir, sorti cle l'imagination des poètes à une époque de scep-
ticisme et cle découragement, et n'ayant aucune racine dans le cœur
même de la religion des anciens. De pareils jeux d'esprit sont puérils et
peu propres en général à inspirer les arts, qui se doivent consacrer sur-
tout à mettre en lumière la vérité, et à la rendre sensible par l'intermé-
diaire du beau. Mais d'où la vérité est-elle complètement absente? Chaque
homme n'est-il pas une pensée de Dieu, et ne porte-t-il pas toujours en
lui et malgré lui, même au milieu des plus profonds égarements, la
trace ineffaçable cle cette pensée divine? La vérité est partout, même au
sein des ténèbres, même au sein cle l'erreur : il faut seulement qu'un
génie surgisse, capable de recueillir la précieuse étincelle, delà dégager
des cendres qui l'étouffent, et de la faire briller aux yeux de tous. C'est
ce que fit Piaphaël dans la fresque de Galatée.

\. Polyphème écrasa sous un quartier de rocher le jeune Acis, fils de Faune et de la
nymphe Symcethis, qui possédait le cœur de Galatée.

2. Idyl. vi et \i.

3. Mètam., xm.

4. Dialogues des dieux marins.

5. M. Renan a exposé récemment avec éloquence ce caractère de la symbolique
ancienne.
 
Annotationen