COLLECTION CAMPANA. —
LES TABLEAUX.
501
Napoléon III, le dessin, savamment facile, des jambes de saint Jean-
Baptiste, des pieds nus de saint François, et la tournure, noble sans
recherche, du saint évêque placé à gauche, au premier plan? 11 est fâcheux
seulement que cette belle figure ait subi quelques restaurations, et que de
grossiers repeints soient venus, au bas de la robe comme clans les plis de
la chape qui tombent le long du cadre, faire contraste avec le modelé si
précis des parties voisines et avec l'exécution châtiée de l'ensemble.
VAdoration des Mages, grand tableau peint par Luca Signorelli, est
un témoignage important et parfaitement authentique de ce robuste
talent, dont on n'aurait néanmoins qu'une idée incomplète si on le jugeait
seulement sur des travaux de cet ordre. De même que les tableaux de
Lorenzo di Credi — et le Noli me tangere du musée Napoléon 111 en
fournirait une nouvelle preuve — ne reproduisent que très-imparfaite-
ment les qualités qu'on admire à si juste titre dans ses dessins, les
tableaux de Luca Signorelli ne valent pas, à beaucoup près, les fresques
du maître. N'est-ce pas ce qu'on peut dire aussi des divers ouvrages de
Domenico Ghirlandaïo? La même différence n'existe-t-elle pas entre les
peintures de chevalet qu'il exécutait d'un pinceau un peu amolli, un peu
appesanti par la recherche et par l'effort, et les peintures dont il décorait
avec tant de fermeté et de franchise le chœur de Santa-Maria-Novella, à
Florence, ou les murailles de la Trinità? Sans doute le tableau de sa
main que l'on voit au palais des Champs-Elysées est une œuvre très-
agréable, mais cet agrément même se complique de quelque afféterie :
il résulte tout au moins d'une imitation trop littérale de la grâce pure-
ment humaine. Dans les anges placés derrière la Yierge, on reconnaît les
* formes et la physionomie de gentils adolescents plutôt qu'on ne pressent
la beauté idéale des habitants du ciel : la Vierge, par l'expression de son
visage et par la délicatesse un peu banale de ses traits, n'est rien de plus
qu'une jolie jeune fille. En un mot, ce qui manque ici aux intentions et
au style, c'est cet accent de l'émotion intime et personnelle, c'est cette
pointe de bizarrerie, si l'on veut, qui donne une signification; une valeur
particulière à une autre Madone peinte par Alessandro Botticelli, et
surtout au tableau où le même maître a peut-être personnifié le Prin-
temps : œuvre charmante, une des plus précieuses de la collection, mais
qu'il serait pour le moins superflu d'essayer de décrire, puisqu'une image
fidèle en fait revivre, sous les yeux du lecteur, l'étrangeté exquise et
la rare élégance.
Les divers tableaux qualtroeenlisti que nous venons de mentionner
appartiennent à l'école toscane. Bien que dans le nouveau musée, comme
dans toutes les collections du même genre, les œuvres de la peinture
LES TABLEAUX.
501
Napoléon III, le dessin, savamment facile, des jambes de saint Jean-
Baptiste, des pieds nus de saint François, et la tournure, noble sans
recherche, du saint évêque placé à gauche, au premier plan? 11 est fâcheux
seulement que cette belle figure ait subi quelques restaurations, et que de
grossiers repeints soient venus, au bas de la robe comme clans les plis de
la chape qui tombent le long du cadre, faire contraste avec le modelé si
précis des parties voisines et avec l'exécution châtiée de l'ensemble.
VAdoration des Mages, grand tableau peint par Luca Signorelli, est
un témoignage important et parfaitement authentique de ce robuste
talent, dont on n'aurait néanmoins qu'une idée incomplète si on le jugeait
seulement sur des travaux de cet ordre. De même que les tableaux de
Lorenzo di Credi — et le Noli me tangere du musée Napoléon 111 en
fournirait une nouvelle preuve — ne reproduisent que très-imparfaite-
ment les qualités qu'on admire à si juste titre dans ses dessins, les
tableaux de Luca Signorelli ne valent pas, à beaucoup près, les fresques
du maître. N'est-ce pas ce qu'on peut dire aussi des divers ouvrages de
Domenico Ghirlandaïo? La même différence n'existe-t-elle pas entre les
peintures de chevalet qu'il exécutait d'un pinceau un peu amolli, un peu
appesanti par la recherche et par l'effort, et les peintures dont il décorait
avec tant de fermeté et de franchise le chœur de Santa-Maria-Novella, à
Florence, ou les murailles de la Trinità? Sans doute le tableau de sa
main que l'on voit au palais des Champs-Elysées est une œuvre très-
agréable, mais cet agrément même se complique de quelque afféterie :
il résulte tout au moins d'une imitation trop littérale de la grâce pure-
ment humaine. Dans les anges placés derrière la Yierge, on reconnaît les
* formes et la physionomie de gentils adolescents plutôt qu'on ne pressent
la beauté idéale des habitants du ciel : la Vierge, par l'expression de son
visage et par la délicatesse un peu banale de ses traits, n'est rien de plus
qu'une jolie jeune fille. En un mot, ce qui manque ici aux intentions et
au style, c'est cet accent de l'émotion intime et personnelle, c'est cette
pointe de bizarrerie, si l'on veut, qui donne une signification; une valeur
particulière à une autre Madone peinte par Alessandro Botticelli, et
surtout au tableau où le même maître a peut-être personnifié le Prin-
temps : œuvre charmante, une des plus précieuses de la collection, mais
qu'il serait pour le moins superflu d'essayer de décrire, puisqu'une image
fidèle en fait revivre, sous les yeux du lecteur, l'étrangeté exquise et
la rare élégance.
Les divers tableaux qualtroeenlisti que nous venons de mentionner
appartiennent à l'école toscane. Bien que dans le nouveau musée, comme
dans toutes les collections du même genre, les œuvres de la peinture