( : 0 L L F. C T10 N C A M P À \ A. — L E S T A HI, F. A F X.
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n'en pouvoir douter, qu'une suite de portraits qui décorait la bibliothèque
des ducs d'Urbin a été copiée par lui à l'époque de son adolescence? Ces
copies, dessinées à la plume, sont conservées dans la galerie de l'Aca-
démie des beaux-arts, à. Venise, tandis que quatorze des peintures ori-
ginales ornent aujourd'hui le musée Napoléon III. En voyant celles-ci,
personne, à coup sûr, ne s'étonnera que le glorieux apprenti ait voulu y
puiser des leçons, et, quelque surcroît d'honneur qu'elles empruntent
d'une consécration aussi haute, elles valent assez par elles-mêmes, elles
se recommandent par un ensemble de qualités assez rare pour qu'on les
admire, même sans ce laissez-passer historique, sans l'intermédiaire de
ces souvenirs.
Les portraits dont nous parlons, et qui, mieux qu'aucun des tableaux
à côté desquels ils se trouvent, nous semblent résumer les inclinations
distinctives et les coutumes de l'école ombrienne, ces portraits ont une
analogie trop évidente avec le beau Portrait de Sixte IV peint à fresque,
à Rome, par Melozzo da Forli S pour qu'on hésite à y reconnaître la
main de cet éminent artiste. Ici, comme dans la peinture du Vatican, la
physionomie de chaque personnage est comprise et rendue avec une pro-
fonde sagacité, ou plutôt-— car il ne s'agit pas seulement de portraits
dans le sens littéral du mot, là où le peintre a dû mettre, en regard de
ses contemporains, Victorin de Feltre, Sixte IV et le cardinal Bessarion,
les images infiniment moins authentiques de Platon, de saint Augustin et
de Virgile — les intentions qu'exprime Melozzo varient aussi bien en
raison des types fournis directement par la nature, qu'en raison des
caractères historiques de chaque sujet2. Quant à l'exécution, elle a cette
liberté, et en même temps cette certitude, qui révèlent le pinceau exercé
d'un frescanle. Si facile toutefois que se montre la pratique, elle n'affiche
1. Celle fresque, transportée sur toile, a passé de Fi bibliothèque du Vatican dans
la galerie de peinture de ce palais. Elle représente Sixte IV au moment où il investit
Platina, agenouillé devant lui, des fonctions de bibliothécaire de la Vaticane. La scène
a pour témoins les quatre neveux du pape, parmi lesquels on remarque le cardinal
Julien délia Rovere, qui fut depuis Jules IT.
2. Il est présumable d'ailleurs que, par une fantaisie archaïque bien conforme aux
doctes habitudes de la cour d'Urbin, la tâche avait été imposée à l'artiste de repro-
duire, sous les noms des hommes illustres de l'antiquité, les traits de quelques lettrés
célèbres et de quelques savants de l'époque. Des recherches, dont les résultats sont
consignés dans le catalogue du musée Napoléon III, sembleraient fournir des arguments
à l'appui de cotte supposition. C'est ainsi qu'on a cru reconnaître le portrait d'un
secrétaire de Nicolas V, le platonicien Gemisto, dans le prétendu portrait de Platon,
ceux de Lorenzo Valla et du jurisconsulte Antonio Campano dans les portraits de
Plolémée et de Solon.
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n'en pouvoir douter, qu'une suite de portraits qui décorait la bibliothèque
des ducs d'Urbin a été copiée par lui à l'époque de son adolescence? Ces
copies, dessinées à la plume, sont conservées dans la galerie de l'Aca-
démie des beaux-arts, à. Venise, tandis que quatorze des peintures ori-
ginales ornent aujourd'hui le musée Napoléon III. En voyant celles-ci,
personne, à coup sûr, ne s'étonnera que le glorieux apprenti ait voulu y
puiser des leçons, et, quelque surcroît d'honneur qu'elles empruntent
d'une consécration aussi haute, elles valent assez par elles-mêmes, elles
se recommandent par un ensemble de qualités assez rare pour qu'on les
admire, même sans ce laissez-passer historique, sans l'intermédiaire de
ces souvenirs.
Les portraits dont nous parlons, et qui, mieux qu'aucun des tableaux
à côté desquels ils se trouvent, nous semblent résumer les inclinations
distinctives et les coutumes de l'école ombrienne, ces portraits ont une
analogie trop évidente avec le beau Portrait de Sixte IV peint à fresque,
à Rome, par Melozzo da Forli S pour qu'on hésite à y reconnaître la
main de cet éminent artiste. Ici, comme dans la peinture du Vatican, la
physionomie de chaque personnage est comprise et rendue avec une pro-
fonde sagacité, ou plutôt-— car il ne s'agit pas seulement de portraits
dans le sens littéral du mot, là où le peintre a dû mettre, en regard de
ses contemporains, Victorin de Feltre, Sixte IV et le cardinal Bessarion,
les images infiniment moins authentiques de Platon, de saint Augustin et
de Virgile — les intentions qu'exprime Melozzo varient aussi bien en
raison des types fournis directement par la nature, qu'en raison des
caractères historiques de chaque sujet2. Quant à l'exécution, elle a cette
liberté, et en même temps cette certitude, qui révèlent le pinceau exercé
d'un frescanle. Si facile toutefois que se montre la pratique, elle n'affiche
1. Celle fresque, transportée sur toile, a passé de Fi bibliothèque du Vatican dans
la galerie de peinture de ce palais. Elle représente Sixte IV au moment où il investit
Platina, agenouillé devant lui, des fonctions de bibliothécaire de la Vaticane. La scène
a pour témoins les quatre neveux du pape, parmi lesquels on remarque le cardinal
Julien délia Rovere, qui fut depuis Jules IT.
2. Il est présumable d'ailleurs que, par une fantaisie archaïque bien conforme aux
doctes habitudes de la cour d'Urbin, la tâche avait été imposée à l'artiste de repro-
duire, sous les noms des hommes illustres de l'antiquité, les traits de quelques lettrés
célèbres et de quelques savants de l'époque. Des recherches, dont les résultats sont
consignés dans le catalogue du musée Napoléon III, sembleraient fournir des arguments
à l'appui de cotte supposition. C'est ainsi qu'on a cru reconnaître le portrait d'un
secrétaire de Nicolas V, le platonicien Gemisto, dans le prétendu portrait de Platon,
ceux de Lorenzo Valla et du jurisconsulte Antonio Campano dans les portraits de
Plolémée et de Solon.