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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 13.1862

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Nr. 6
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Goncourt, Edmond de: Greuze, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.17332#0539

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GRELZE.

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teur, l'Académie vous a reçu, mais c'est comme peintre de genre; elle a
eu égard à vos anciennes productions qui sont excellentes, elle a fermé
les veux sur celle-ci, qui n'est cligne ni d'elle ni de vous. » Greuze sen-
tait le coup, la phrase lui entrait au cœur. Place de professeur, fonctions
honorifiques, l'Académie enlevait d'un mot à ses ambitions tout ce qui
était le privilège du peintre d'histoire. Etourdi, perdant la tête, Greuze,
qui avait tout à la fois d'un enfant la timidité et l'orgueil, voulait répon-
dre, se défendre, soutenir l'excellence de son tableau. L'Académie l'écou-
tait en souriant, et l'on vit le moment où Lagrenée, tirant un crayon de
sa poche, allait marquer sur la toile les incorrections des figures1.

L'Académie n'avait fait qu'apprécier justement le tableau d'histoire
de Greuze. Diderot lui-même, qui a pour le peintre de sa Morale une si
partiale indulgence et tant d'entrailles, Diderot est obligé d'abandonner
la défense de son tableau académique; il a beau chercher, il ne peut
trouver de passable clans toute la toile que la tête de Papinien et la tête
du sénateur. Du jugement de l'Académie, Greuze appelait au jugement de
ce public qui l'avait tant gâté et gonllé. Le public restait froid, et une
petite brochure se chargeait de traduire et d'expliquer ce refroidissement
et ce désappointement, en proclamant Greuze « vrai clans le simple,
sublime dans le naïf, mais incapable dans le genre héroïque. » Pourquoi,
disait le critique à Greuze, au lieu de prendre le sujet indiqué par Dide-
rot, la mort de Brutus, avoir été déterrer un événement ignoré, un fait
énigmatique et compliqué que l'art ne peut rendre? Et après une analyse
des défauts de composition, de dessin et de couleur, déparant ce tableau,
il demandait si Téniers était moins ïéniers pour n'avoir pas peint la cour
d'Auguste, et si Préville n'était pas un des premiers acteurs delà Comé-
die-Française pour ne pas jouer le rôle de Mithridate? In pelle propria
quicsce, c'était le dernier trait de cette critique résumant en un mot le
conseil et le vœu de l'opinion2.

Cet insuccès, cet avorteinent de Greuze, cette défaillance dans la gran-
deur, la noblesse, le pathétique sévère de l'histoire, n'avaient-ils d'autre
raison que le tempérament du peintre, le défaut d'élévation d'un génie
facile, mais étroit, le vice de coquetterie d'un dessinateur sans puissance?
Son défenseur et son confesseur, Diderot, veut que les hauteurs de l'art,
les grandes œuvres aient échappé à Greuze, non parce qu'il manquait de
quoi y atteindre, mais parce qu'il eut toujours dans sa vie un tourment,

1. Supplément aux Œuvres de Diderot;Bclin, 1818. Lettres sur le Salon de 1169.

2. Lettres sur l'exposition des ouvrages de peinture et de sculpture au Salon du
Louvre ; 1769.

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