8
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Malgré le sort des armes, malgré les. actes diplomatiques, ce coin
du Hainaut continuera à vivre, quelque temps encore, dans une
atmosphère flamande; toutefois, le résultat historique est acquis.
Personne ne songe à Watteau; mais s’il doit venir au monde, il sera
Français.
Celui que son charmant génie devait faire le maître des élégances,
Jean-Antoine Watteau, n’avait nullement des origines aristocra-
tiques. Il est né dans le monde du travail, loin des influences heu-
reuses et des fées souriantes que le hasard penche sur le berceau
des futurs artistes. Il fut baptisé à l’église Saint-Jacques de Valen-
ciennes, le 16 octobre 1684. Son père, Jean-Philippe, était un
modeste couvreur; sa mère s’appelait Michelle Lardenois; le parrain
et la marraine, dont l’acte de baptême n’indique pas la profession,
ne semblent guère avoir été des personnages de grande conséquence.
On a quelques détails sur le père de Watteau. Né en 1660, il vivait
encore en 1699. A diverses reprises, il a travaillé pour la ville de
Valenciennes et les comptes municipaux ont gardé la trace do la
rémunération affectée à ses utiles services. Il était jeune et laborieux.
On ne sait trop sur quel document le comte de Caylus s'est fondé
pour parler de « la dureté du père dont Watteau dépendoit » et des
entraves qu’il aurait mises à la vocation de son fils h II y a là une
exagération évidente. Philippe Watteau est fort attentif aux choses
de son métier; mais si occupé qu’il soit à réparer les toitures des
édifices et des magasins de Valenciennes, il n’est pas indifférent au
développement intellectuel du petit Antoine. Il trouva bon qu’il
reçût les premiers éléments d’une instruction pareille à celle que
recevaient alors les enfants du voisinage, germes précieux que le vif
esprit de Watteau sut faire fructifier, car il a été toute sa vie un
grand liseur; la plume à la main il exprimait nettement sa pensée,
et lorsqu’on dresse la nomenclature de ses amis, on constate que la
plupart ont été des lettrés. Enfin, quand vint le moment d’apprendre
un métier, on ne voit pas que Watteau ait été persécuté par son
père. Sans doute, Philippe avait les idées de son temps; il aurait
voulu que son fils lui succédât; il lui disait que la profession de
couvreur est la plus belle profession du monde, mais dès que l’enfant
parla d’entrer en apprentissage chez un peintre, il le laissa faire.
1. La Vie d’Antoine Watteau lue à l’Académie royale de peinture le 3 février 1748.
Ce mémoire, retrouvé et publié par MM. de Concourt, est une des pièces essentielles
du dossier de Watteau, dont Caylus a été l’ami. Nous aurons bien des fois à nous
reporter à ce travail qui renferme cependant tant d’affirmations suspectes.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Malgré le sort des armes, malgré les. actes diplomatiques, ce coin
du Hainaut continuera à vivre, quelque temps encore, dans une
atmosphère flamande; toutefois, le résultat historique est acquis.
Personne ne songe à Watteau; mais s’il doit venir au monde, il sera
Français.
Celui que son charmant génie devait faire le maître des élégances,
Jean-Antoine Watteau, n’avait nullement des origines aristocra-
tiques. Il est né dans le monde du travail, loin des influences heu-
reuses et des fées souriantes que le hasard penche sur le berceau
des futurs artistes. Il fut baptisé à l’église Saint-Jacques de Valen-
ciennes, le 16 octobre 1684. Son père, Jean-Philippe, était un
modeste couvreur; sa mère s’appelait Michelle Lardenois; le parrain
et la marraine, dont l’acte de baptême n’indique pas la profession,
ne semblent guère avoir été des personnages de grande conséquence.
On a quelques détails sur le père de Watteau. Né en 1660, il vivait
encore en 1699. A diverses reprises, il a travaillé pour la ville de
Valenciennes et les comptes municipaux ont gardé la trace do la
rémunération affectée à ses utiles services. Il était jeune et laborieux.
On ne sait trop sur quel document le comte de Caylus s'est fondé
pour parler de « la dureté du père dont Watteau dépendoit » et des
entraves qu’il aurait mises à la vocation de son fils h II y a là une
exagération évidente. Philippe Watteau est fort attentif aux choses
de son métier; mais si occupé qu’il soit à réparer les toitures des
édifices et des magasins de Valenciennes, il n’est pas indifférent au
développement intellectuel du petit Antoine. Il trouva bon qu’il
reçût les premiers éléments d’une instruction pareille à celle que
recevaient alors les enfants du voisinage, germes précieux que le vif
esprit de Watteau sut faire fructifier, car il a été toute sa vie un
grand liseur; la plume à la main il exprimait nettement sa pensée,
et lorsqu’on dresse la nomenclature de ses amis, on constate que la
plupart ont été des lettrés. Enfin, quand vint le moment d’apprendre
un métier, on ne voit pas que Watteau ait été persécuté par son
père. Sans doute, Philippe avait les idées de son temps; il aurait
voulu que son fils lui succédât; il lui disait que la profession de
couvreur est la plus belle profession du monde, mais dès que l’enfant
parla d’entrer en apprentissage chez un peintre, il le laissa faire.
1. La Vie d’Antoine Watteau lue à l’Académie royale de peinture le 3 février 1748.
Ce mémoire, retrouvé et publié par MM. de Concourt, est une des pièces essentielles
du dossier de Watteau, dont Caylus a été l’ami. Nous aurons bien des fois à nous
reporter à ce travail qui renferme cependant tant d’affirmations suspectes.