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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
« maître et ancien de l’art des peintres ». Il est mort le 7 juin 1702.
Ce que valait le talent de Gérin, on peut le savoir. Des nom-
breuses peintures qu’il a exécutées pour les chapelles de Valen-
ciennes et des environs, tout n’est pas perdu. Il reste de lui une
Adoration des Mages à Notre-Dame de Douai, et un Moine adorant le
petit Jésus dans l'église de Fresnes U Le Musée de Valenciennes ne
possède de Gérin qu’une assez faible peinture, Un Enfant appuyé sur
une tête de mort et soufflant des bulles de savon. Mais la chapelle de
l’hôpital a donné asile à une composition plus sérieuse, Saint Gilles
guérissant les malades. Ce tableau est signé J.-A. Gérin, 1691. Aucune
de ces œuvres n’éveille la pensée d’un maître peignant à la toise,
comme le croyait Caylus; mais ce sont les peintures d’un artiste qui
n'a pas su se défendre contre la décadence environnante. D’après
Léon Dumont, les caractéristiques de Gérin sont la sécheresse du
trait et la faiblesse du coloris 3. Constater l’indigence du maître,
c’est faire ressortir la puissance et la parfaite originalité de l’élève.
Dans son récent livre sur AVatteau, John Mollett fixe à 1698 la
date de l’entrée du jeune peintre dans l’atelier de Gérin. Aux termes
des statuts de la corporation de Valenciennes, la durée obligatoire
de l’apprentissage était de trois ans. Quelques élèves, ambitieux de
connaître plus à fond les secrets du métier, prolongeaient volontai-
rement ce stage. Il ne semble pas que tel ait été le cas de AVatteau,
car Albert Gérin meurt en 1702. A cette date, son élève a dix-huit
ans : tout porte à croire que, malgré son assiduité au travail, il
n’était encore qu’un écolier en proie à bien des incertitudes.
11 est vrai que, pendant la durée de son apprentissage, AVatteau
pouvait suppléer à l’insuffisance de son maître par l’étude des
œuvres d’art que possédaient alors les églises de AAtlenciennes et les
maisons religieuses du voisinage. Si, comme on doit le croire, il a
fait quelques promenades dans les environs, il a dû voir au maître-
autel de l’église abbatiale de Saint-Amand le grand triptyque de
Rubens dont le panneau central raconte la Lapidation de Saint
Étienne, dont les volets montrent, quand ils sont ouverts, la Prédi-
cation du Saint et sa Mise au tombeau; quand ils sont fermés, le motif
traditionnel de Y Annonciation. AVatteau vivait d’ailleurs entouré
d’œuvres flamandes. Sans quitter AVilenciennes, il pouvait étudier 1 2
1. Hécart, l'auteur de la Biographie Valenciennoise (1826), signale un autre
tableau de Gérin dans l’église Sainte-Catherine à Lille; mais, d’après les dernières
nouvelles, ce tableau aurait disparu.
2. Antoine Watteau, Valenciennes, 1866, p. 19.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
« maître et ancien de l’art des peintres ». Il est mort le 7 juin 1702.
Ce que valait le talent de Gérin, on peut le savoir. Des nom-
breuses peintures qu’il a exécutées pour les chapelles de Valen-
ciennes et des environs, tout n’est pas perdu. Il reste de lui une
Adoration des Mages à Notre-Dame de Douai, et un Moine adorant le
petit Jésus dans l'église de Fresnes U Le Musée de Valenciennes ne
possède de Gérin qu’une assez faible peinture, Un Enfant appuyé sur
une tête de mort et soufflant des bulles de savon. Mais la chapelle de
l’hôpital a donné asile à une composition plus sérieuse, Saint Gilles
guérissant les malades. Ce tableau est signé J.-A. Gérin, 1691. Aucune
de ces œuvres n’éveille la pensée d’un maître peignant à la toise,
comme le croyait Caylus; mais ce sont les peintures d’un artiste qui
n'a pas su se défendre contre la décadence environnante. D’après
Léon Dumont, les caractéristiques de Gérin sont la sécheresse du
trait et la faiblesse du coloris 3. Constater l’indigence du maître,
c’est faire ressortir la puissance et la parfaite originalité de l’élève.
Dans son récent livre sur AVatteau, John Mollett fixe à 1698 la
date de l’entrée du jeune peintre dans l’atelier de Gérin. Aux termes
des statuts de la corporation de Valenciennes, la durée obligatoire
de l’apprentissage était de trois ans. Quelques élèves, ambitieux de
connaître plus à fond les secrets du métier, prolongeaient volontai-
rement ce stage. Il ne semble pas que tel ait été le cas de AVatteau,
car Albert Gérin meurt en 1702. A cette date, son élève a dix-huit
ans : tout porte à croire que, malgré son assiduité au travail, il
n’était encore qu’un écolier en proie à bien des incertitudes.
11 est vrai que, pendant la durée de son apprentissage, AVatteau
pouvait suppléer à l’insuffisance de son maître par l’étude des
œuvres d’art que possédaient alors les églises de AAtlenciennes et les
maisons religieuses du voisinage. Si, comme on doit le croire, il a
fait quelques promenades dans les environs, il a dû voir au maître-
autel de l’église abbatiale de Saint-Amand le grand triptyque de
Rubens dont le panneau central raconte la Lapidation de Saint
Étienne, dont les volets montrent, quand ils sont ouverts, la Prédi-
cation du Saint et sa Mise au tombeau; quand ils sont fermés, le motif
traditionnel de Y Annonciation. AVatteau vivait d’ailleurs entouré
d’œuvres flamandes. Sans quitter AVilenciennes, il pouvait étudier 1 2
1. Hécart, l'auteur de la Biographie Valenciennoise (1826), signale un autre
tableau de Gérin dans l’église Sainte-Catherine à Lille; mais, d’après les dernières
nouvelles, ce tableau aurait disparu.
2. Antoine Watteau, Valenciennes, 1866, p. 19.