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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 1.1889

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Nr. 1
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Mantz, Paul: Watteau, 1
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https://doi.org/10.11588/diglit.24445#0028

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WÀTTEAU.

19

pièce intitulée la Fausse prude. Grand émoi à la cour! A tort ou à
raison, Louis XIY supposa que ces farceurs, déjà un peu suspects,
avaient voulu mettre en scène son amie, Mme de Maintenon. De là un
accès de colère que le lieutenant de police ne manqua pas de partager
et qui aboutit à l’apposition des scellés sur les portes de laComédie et
à la dispersion des acteurs, expulsés non seulement de leur théâtre,
mais du royaume. Cet exil dura dix-neuf ans. Les bouffons ne recom-
mencèrent leurs momeries que lorsque, le vieux roi étant mort, le
Régent les rappela en 1716. Ily a donc entre ces deux dates une vacance
dont Paris s’attrista et qui interrompit les études de Gillot tout en le
privant d’un travail qu’il aimait. On sait que ce départ de laComédie
italienne en 1697 a fourni à Watteau le sujet d’un tableau gravé par
L. Jacob. A cette époque, Watteau, âgé de treize ans, n’avait pas encore
quitté Valenciennes et il n’a pu connaître l’événement que par les
récits des vieux amateurs parisiens. Il lui a fallu faire un effort
rétrospectif et recourir à son imagination pour composer cette scène
où les officiers de la police hâtent le déménagement forcé des comé-
diens de l’hôtel de Bourgogne. Mais Gillot avait pu assister à cette
déroute, et j’imagine que c’est dans ses conversations, peut-être dans
ses croquis, que Watteau, faisant revivre un monde disparu, a pu
puiser l’idée de ce tableau, dont l’exécution est d'ailleurs fort posté-
rieure à l’aventure qu’il raconte. Ajoutons que cette peinture, d’une
dimension très exiguë, appartenait, quand Jacob grava son cuivre, à
l’abbé Penety, secrétaire de l’envoyé de Florence. Elle est depuis
longtemps perdue. Nous ne la connaissons plus que par l’estampe.

Cet exil provisoire de la Comédie italienne est un fait dont l’histo-
rien de Watteau doit tenir compte : ce monde amoureux que Colombine
égaie de son sourire, où Pierrot promène sa face enfarinée et dont les
gambades d’Arlequin rythment le sautillement perpétuel, Watteau
n’a pu en avoir la vision directe et vivante qu’à partir de 1716, c’est-
à-dire lors de la réouverture de l’hôtel de Bourgogne; mais bien que
les comédiens fussent absents par ordre du roi, les types et les cos-
tumes étaient conservés dans la mémoire populaire comme dans les
croquis de Gillot et on les voyait reparaître çà et là dans les masca-
rades ou sur les tréteaux des spectacles forains. Il reste donc vrai-
semblable, sinon certain, que c’est Claude Gillot qui a révélé à
Watteau le personnel de la troupe italienne, de même qu’il a pu lui
enseigner quelque chose du décor qui allait devenir à la mode. Qu’on
le considère comme dessinateur ou comme graveur, Gillot a l’outil
preste et spirituel. Ses peintures, de tous temps fort rares, ont disparu,
 
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