DOI Heft:
Nr. 1
DOI Artikel:Molinier, Émile: Le trésor de Saint-Marc à Venise, 4
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
que cette inscription soit difficile à lire et à interpréter, car la
description minutieuse de la chaire, faite en 1819 par le chanoine
Molin, n’en souffle mot. Jetons un voile sur ce chapitre humiliant
pour l’archéologie.
VIII
Peut-être faut-il attribuer à la facilité avec laquelle les Vénitiens
pouvaient se procurer les merveilles fabriquées en Orient ou à
Constantinople la pénurie de monuments d’orfèvrerie vénitienne
d’une période un peu ancienne du moyen âge. Quoi qu’il en soit, le
Trésor de Saint-Marc est très pauvre à ce point de vue et le seul
objet plus ancien que les montures filigranées que nous avons déjà
signalées n’a pas été fabriqué à Venise, mais à Aquilée très proba-
blement. C’est la couverture de l’Evangile de Saint-Marc.
Cette reliure, ou plutôt cette boite, consiste en deux ais de bois
recouverts de plaques d’argent repoussées et estampées. D’un côté
on voit saint Pierre envoyant saint Marc à Alexandrie pour y
prêcher la foi; de l’autre sont représentés la Crucifixion, saint
Marc écrivant son Evangile et enfin saint Marc présentant à saint
Pierre saint Hermagoras, évêque d’Aquilée. Des rinceaux affectant
à peu près la forme de C adossés et fleuronnés sont estampés sur les
bordures où sont fixées les armes parlantes d’Aquilée, ainsi que les
armes parlantes aussi des délia Torre, dans la famille desquels le
patriarcat d’Aquilée demeura de 1272 à 1348. Si nous tenons
compte de l’état de barbarie relative dans lequel devait se trouver
l’art dans cette ville au xme siècle, nous n’aurons pas de peine
à admettre que cette reliure, qui trahit des tendances archaïques,
soit de cette époque; c’est, du reste, l’âge qu’indique l’accoutrement
des personnages. Inutile de dire que le fragment de manuscrit que
contient cette boite est très postérieur à saint Marc. Il date du
vie siècle; depuis longtemps célèbre, puisque de nombreux pèlerins,
parmi lesquels on compte Charlemagne, y ont inscrit leur nom, ce
manuscrit était conservé à Aquilée; au xive siècle, l’empereur
Charles IV en envoya quelques feuillets à Prague; au xve siècle,
transporté à C-ividale, les Vénitiens y prirent l’Evangile selon
saint Marc. La partie du manuscrit restée en Frioul s’est conservée,
les feuillets apportés à Venise ont disparu grâce à l’humidité.
Si je signale une grande couverture d’Evangéliaire en argent
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
que cette inscription soit difficile à lire et à interpréter, car la
description minutieuse de la chaire, faite en 1819 par le chanoine
Molin, n’en souffle mot. Jetons un voile sur ce chapitre humiliant
pour l’archéologie.
VIII
Peut-être faut-il attribuer à la facilité avec laquelle les Vénitiens
pouvaient se procurer les merveilles fabriquées en Orient ou à
Constantinople la pénurie de monuments d’orfèvrerie vénitienne
d’une période un peu ancienne du moyen âge. Quoi qu’il en soit, le
Trésor de Saint-Marc est très pauvre à ce point de vue et le seul
objet plus ancien que les montures filigranées que nous avons déjà
signalées n’a pas été fabriqué à Venise, mais à Aquilée très proba-
blement. C’est la couverture de l’Evangile de Saint-Marc.
Cette reliure, ou plutôt cette boite, consiste en deux ais de bois
recouverts de plaques d’argent repoussées et estampées. D’un côté
on voit saint Pierre envoyant saint Marc à Alexandrie pour y
prêcher la foi; de l’autre sont représentés la Crucifixion, saint
Marc écrivant son Evangile et enfin saint Marc présentant à saint
Pierre saint Hermagoras, évêque d’Aquilée. Des rinceaux affectant
à peu près la forme de C adossés et fleuronnés sont estampés sur les
bordures où sont fixées les armes parlantes d’Aquilée, ainsi que les
armes parlantes aussi des délia Torre, dans la famille desquels le
patriarcat d’Aquilée demeura de 1272 à 1348. Si nous tenons
compte de l’état de barbarie relative dans lequel devait se trouver
l’art dans cette ville au xme siècle, nous n’aurons pas de peine
à admettre que cette reliure, qui trahit des tendances archaïques,
soit de cette époque; c’est, du reste, l’âge qu’indique l’accoutrement
des personnages. Inutile de dire que le fragment de manuscrit que
contient cette boite est très postérieur à saint Marc. Il date du
vie siècle; depuis longtemps célèbre, puisque de nombreux pèlerins,
parmi lesquels on compte Charlemagne, y ont inscrit leur nom, ce
manuscrit était conservé à Aquilée; au xive siècle, l’empereur
Charles IV en envoya quelques feuillets à Prague; au xve siècle,
transporté à C-ividale, les Vénitiens y prirent l’Evangile selon
saint Marc. La partie du manuscrit restée en Frioul s’est conservée,
les feuillets apportés à Venise ont disparu grâce à l’humidité.
Si je signale une grande couverture d’Evangéliaire en argent