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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 1.1889

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Nr. 1
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Reinach, Salomon: Courrier de l'art antique, 5
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https://doi.org/10.11588/diglit.24445#0070

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53

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

Pour se rendre compte de l’immense progrès accompli depuis quarante
ans dans cet ordre d’études, il faut comparer le Mémoire du savant alle-
mand au troisième volume de Y Histoire de l’Art dans Y Antiquité, de
MM. Perrot et Chipiez, publié en 1885, volume qui est consacré tout entier
à la Phénicie et à Chypre. Grâce à l’expédition de M. Renan en Phénicie,
aux fouilles de Colonna-Ceccaldi et de Gesnola à Chypre, aux découvertes
faites à Carthage, à Préneste, à Sidon et en bien d’autres lieux encore, l’art
phénicien a cessé d’être pour nous une matière à conjectures pour devenir
un objet d’études précises, fondées sur des monuments déjà nombreux et
dont il a souvent été possible de fixer la date. Assurément, il reste beaucoup
à faire, puisque le sol meme des anciens emporia n’a été que très insuffi-
samment exploré, mais, dans l’état actuel de nos connaissances, on peut
déjà distinguer avec certitude les œuvres proprement phéniciennes, démêler
les influences égyptiennes ou assyriennes qu’elles ont subies, et la part
d’invention ou d’éclectisme original qui revient à leurs auteurs, artistes et
industriels de Carthage, de Tyr et de Sidon.

De toutes les séries d’œuvres qu’ils nous ont laissées, la plus intéres-
sante, celle des disques métalliques martelés et gravés, boucliers ou patères,
vient de s’accroître d’une quantité de pièces remarquables découvertes dans
un vieux sanctuaire de la Crète, l’antre de Jupiter sur les flancs du mont
Ida. C’est là que, d’après le récit d’Hésiode, le futur maître des dieux fut
nourri par la chèvre Amalthée, à l’abri de la colère de Saturne, par les
Nymphes et les Curètes. Les voyageurs avaient vainement cherché ce lieu
célèbre, lorsqu’un hasard heureux a dissipé leurs incertitudes. En 1884, un
des bergers qui passent l’été sur l’Ida, remuant le sol d'une grotte avec la
pointe d’un bâton, vit paraître une couche de cendres mêlées à des frag-
ments de terre cuite, de bronze et de feuilles d’or. Aussitôt, les habitants du
village voisin d’Anogeia s’arment de pioches et de pelles et commencent des
fouilles désordonnées, dont les produits se dispersèrent bientôt, non sans
avoir été préalablement étudiés par un archéologue allemand, M. Fabricius,
que le bruit de ces découvertes attira sur le théâtre des fouilles1. Le Syl-
logue grec de Candie fit alors intervenir l’autorité turque pour mettre fin à
la dévastation de la grotte : un poste de gendarmes y fut établi par le gou-
verneur et le droit exclusif de pratiquer de nouvelles recherches fut concédé
au Syll ogue.

Sur ces entrefaites, au printemps de 1885, des mouvements insurrec-
tionnels éclatèrent en Crète; les gendarmes, devenus nécessaires ailleurs,
quittèrent l’Ida et les paysans, convaincus qu’on leur cachait des trésors,
se remirent à fouiller sans surveillance. Enfin, au mois d’août de la même
année, les circonstances politiques étant redevenues normales, le Syllogue
put confier l’exploration de ce qui restait à découvrir à un archéologue
italien bien connu par ses travaux en Crète, M. Frédéric Ilalbherr, auquel
on doit déjà la plus importante trouvaille épigraphique de notre temps,
celle du code de Gortyne. Le résultat de ses recherches a été exposé
dan s le Museo italiano de Florence, qui a publié aussi un atlas grand

1. Fabricius, Mittheiluncgen des deutsclien Instituts in Athen, t. X, p. 59 et suiv.
 
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