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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 1.1889

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

et fin, en avance sur son temps, le décorateur fécond, l’aquafortiste de haut goût,
l’illustrateur plein de ressources.

Fragonard est né à Grasse — « Grasse la parfumée » —, sous le ciel ardent de
la Provence. Il a gardé dans tout son être le reflet de cette origine. Le Parisien
est resté Méridional. 11 aime la lumière, la vie, les formes claires et chatoyantes.
Considérez son tableau des Baigneuses, un des chefs-d’œuvre de la Galerie Lacaze
et un des chefs-d’œuvre de la peinture au xviii0 siècle. Quels effluves, quelle
chaleur, quelle tendresse dans cette exécution ! Quel éclat dans ces carnations qui
jouent sous le soleil, dans ces eaux qui vibrent, dans ces frondaisons avivées des
couleurs les plus gaies ! C’est le Midi qui chante dans toute cette peinture.

Les Goncourt nous avaient surtout montré le Fragonard féminin et amoureux,
et ils l’avaient fait revivre de main de maître dans des pages qui comptent parmi
les plus étincelantes qu’ils aient écrites. Mais c’était un Fragonard voulu et je
dirai même un peu inexact. M. le baron Portalis nous le donne tout entier, dans
son existence mouvementée, dans son caractère, dans la société qui l’entoure, dans
ses œuvres, dans la variété de ses aptitudes, sous les mille couleurs de son talent.
11 nous promène avec dextérité à travers tous ces sentiers fleuris où s’égare la
verve espiègle du peintre. Sa profonde expérience des choses du xvme siècle lui
permet d’animer toutes les figures de second plan et de leur imprimer un caractère
d’exactit ude irréprochable.

M. Portalis a eu la bonne fortune de pouvoir mettre à profit des sources inédites
que ni Jal, ni Le Carpentier, ni les Goncourt n’ont connues ou exploitées, telles
que la correspondance de Natoire avec M. de Marigny, qui éclaire les débuts de
l’artiste lors de son séjour à Rome, telles que le Journal de Bergeret, qui donne un
tableau si piquant de la vie de Fragonard pendant le voyage qu’il fait en Italie
en compagnie du généreux financier, telles que les lettres de sa belle-sœur
Mlle Gérard, etc., etc. 11 augmente la liste de ses œuvres par la découverte de
maintes pièces intéressantes : peintures de chevalet, panneaux décoratifs, esquisses
— ces adorables esquisses de Fragonard —, portraits, miniatures, sépias, dessins,
et nous donne un catalogue qui, autant que cela est permis, doit être qualifié de
complet.

La biographie surtout nous intéresse. Elle explique si bien la manière, le style
et les succès de Fragonard ! Le récit est vif, agréable à suivre ; la manière bril-
lante et légère de M. Portalis convient à un tel sujet.

Fragonard, tout frais émoulu de sa ville natale, arrive à Paris où sa mère le
place dans l’atelier de François Boucher; il brosse bientôt, sous cette prépondé-
rante influence, ses premiers panneaux décoratifs. Nous le voyons ensuite à Rome,
à l’Académie de France, « devant les grands maîtres italiens, courant, avec Hubert
Robert et l’abbé de Saint-Non, les villas et les ruines, et dessinant d’un crayon
rapide de merveilleuses sanguines ». De retour à Paris, le jeune artiste, veut frapper
un grand coup et se faire agréer à l’Académie royale. Son tableau de Corésus se
sacrifiant pour sauver Callirhoê est acheté par le Roi et destiné à être reproduit en
tapisserie aux Gobelins. Diderot en fait l’éloge, dans son Salon de 1765.

Puis la fougue de son tempérament entraîne Fragonard dans le monde du
théâtre et de la galanterie. 11 peint pour les seigneurs de la Cour, pour les fer-
miers généraux, pour les petites-maîtresses, ces tableaux de boudoir qui font sa
renommée, et dont la fantaisie un peu licencieuse est toujours parée de la grâce
 
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