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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
respire que l’inceste et le poison, la luxure et le crime » ; cT’autres, s’obstinant à
substituer une légende naïve à la légende sanglante, le représentaient comme une
victime des calomnies de l’Église; les uns, comme Gregorovius, ne consentaient à
voir en lui qu’un « aventurier de haut vol»; les autres, comme Machiavel, discer-
naient en lui « un homme de génie qui eut la conscience de l’œuvre qu’il tentait
d’accomplir ». M. Yriarle nous montre un César Borgiaplus humain et plus vrai :
un soldat sans scrupule doublé d’un politique avisé, qui a conçu un rêve d’ambition
grandiose et ne recula devant rien pour le réaliser.
C’était, en fin de compte, un génie d’une rare vigueur, plein de pénétration et
de sagacité, un soldat admirable, un esprit merveilleusement cultivé, un admi-
nistrateur habile, et en même temps un artiste en machinations infernales, un
condottiere violent, tenace, impitoyable, silencieux, un monstre et un héros tout
à la fois.
« Comme le dit M. Yriarle, César est plastique, il est rare, il est unique, et
Gregorovius a raison de le comparer à une plante vénéneuse : plus subtil est le
poison, plus éclatante est la couleur du feuillage. En face de l’élégance préten-
tieuse et bizarre du Valentinois, on pense aux bijoux de la Renaissance, à ces
perles noires qui renferment la « cantarella», ce poison mystérieux qui tue sans
laisser de traces. Il y a dans le fils d’Alexandre VI quelques-uns des traits de nos
derniers Valois; l’homme de guerre, rude au combat, étudie la coupe et la cou-
leur de ses habits, dessine scs armes et discute la monture de ses colliers. »
La vie de César a l’attrait d’un roman d’aventures; elle est saisissante en
tout, depuis la naissance jusqu’à la mort. Tout est mystère en elle, car c’est à
peine si, grâce aux savantes recherches de M. Yriarte, nous pouvons nous faire
une idée matérielle de celui qui fut peint par les plus grands artistes et qui fut
considéré comme le plus bel homme de son temps.
Mais, si nous avons quelque peine à nous représenter le personnage au phy-
sique, il nous apparaît maintenant au moral, et nous connaissons dans les plus
petits détails le drame de son existence.
L. G.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
respire que l’inceste et le poison, la luxure et le crime » ; cT’autres, s’obstinant à
substituer une légende naïve à la légende sanglante, le représentaient comme une
victime des calomnies de l’Église; les uns, comme Gregorovius, ne consentaient à
voir en lui qu’un « aventurier de haut vol»; les autres, comme Machiavel, discer-
naient en lui « un homme de génie qui eut la conscience de l’œuvre qu’il tentait
d’accomplir ». M. Yriarle nous montre un César Borgiaplus humain et plus vrai :
un soldat sans scrupule doublé d’un politique avisé, qui a conçu un rêve d’ambition
grandiose et ne recula devant rien pour le réaliser.
C’était, en fin de compte, un génie d’une rare vigueur, plein de pénétration et
de sagacité, un soldat admirable, un esprit merveilleusement cultivé, un admi-
nistrateur habile, et en même temps un artiste en machinations infernales, un
condottiere violent, tenace, impitoyable, silencieux, un monstre et un héros tout
à la fois.
« Comme le dit M. Yriarle, César est plastique, il est rare, il est unique, et
Gregorovius a raison de le comparer à une plante vénéneuse : plus subtil est le
poison, plus éclatante est la couleur du feuillage. En face de l’élégance préten-
tieuse et bizarre du Valentinois, on pense aux bijoux de la Renaissance, à ces
perles noires qui renferment la « cantarella», ce poison mystérieux qui tue sans
laisser de traces. Il y a dans le fils d’Alexandre VI quelques-uns des traits de nos
derniers Valois; l’homme de guerre, rude au combat, étudie la coupe et la cou-
leur de ses habits, dessine scs armes et discute la monture de ses colliers. »
La vie de César a l’attrait d’un roman d’aventures; elle est saisissante en
tout, depuis la naissance jusqu’à la mort. Tout est mystère en elle, car c’est à
peine si, grâce aux savantes recherches de M. Yriarte, nous pouvons nous faire
une idée matérielle de celui qui fut peint par les plus grands artistes et qui fut
considéré comme le plus bel homme de son temps.
Mais, si nous avons quelque peine à nous représenter le personnage au phy-
sique, il nous apparaît maintenant au moral, et nous connaissons dans les plus
petits détails le drame de son existence.
L. G.