H 8
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Un intermédiaire intéressant entre Padone et Ferrare, c’est le
sculpteur Domenico di Pavie, élève et aide de Donatello à Padoue, qui,
plus tard, vint à Ferrare. Les figures de femmes qu’on a de lui au
palais Schiffanoja, et sa petite Vierge au Musée de Berlin, appa-
raissent dans une étroite parenté avec les figures de Cosimo. Ses
formes ont quelque chose d’une lourdeur rustaude, et cependant elles
sont d’un maintien un peu trop guindé, d’un dessin anguleux et
souvent maladroit. Dans la coloration, le jaune citron, qui donne le
ton aux autres couleurs, est souvent choquant.
Fin élève direct de Tura, Ercole Roberti, se range pleinement à
l’égal de ces maîtres de Ferrare, ses prédécesseurs. Comme nous le
savons maintenant par A. Venturi, dont les recherches ont posé les
fondements de la connaissance des écoles de Ferrare, de Bologne et
de Modène, et élargissent presque quotidiennement cette connais-
sance, le grand tableau d’autel, du Brera, attribué jusqu’ici au
fabuleux Stefano de Ferrare, qui a pris le grand tableau de Cosimo
au Musée de Berlin comme modèle, est l’ouvrage d’Ercole Roberti ;
c’est alors, incontestablement, son chef-d’œuvre. Le Musée de Berlin
possède depuis peu un petit tableau d’un caractère tout à fait
conforme à celui de ce grand tableau d’autel : Saint Jean-Baptiste.
La laideur et l’air hideux de cette figure fait, au premier moment,
paraître ce tableau repoussant : mais la coloration brillante et har-
monieuse nous réconcilie bientôt avec lui. Un attrait spécial vient du
paysage, qui est même dans ce tableau l’élément principal : une plage
rocheuse, derrière laquelle s’est presque entièrement couché déjà un
chaud soleil d’été, répandant encore cependant ses rayons sur le ciel
entier et se reflétant sur la surface calme de la mer. Cette conception
pour ainsi dire moderne du paysage, ainsi que l’intention générale
du tableau, en font une œuvre tout à fait exceptionnelle parmi celles
des Quattrocentistes.
La seconde génération des maîtres de Ferrare n’est point compa-
rable à ces fondateurs de l’école, pas même le plus célèbre des peintres
de cette génération, Lorenzo Costa. C’est seulement dans ses premières
œuvres, datant environ de l’an 1490, que Costa présente une vigueur
et une intensité de coloris, des teintes d’un éclat d’émail, et de
gracieuses formes qui donnent à ses peintures un charme tout original.
Les deux grands tableaux d’autel que possède de lui le Musée de
Berlin n’appartiennent plus à cette première époque de l’artiste de
Ferrare, de beaucoup la meilleure. Les Lamentations devant la mort
du Christ, tableau daté de 1504, montre, dans la maigreur des
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Un intermédiaire intéressant entre Padone et Ferrare, c’est le
sculpteur Domenico di Pavie, élève et aide de Donatello à Padoue, qui,
plus tard, vint à Ferrare. Les figures de femmes qu’on a de lui au
palais Schiffanoja, et sa petite Vierge au Musée de Berlin, appa-
raissent dans une étroite parenté avec les figures de Cosimo. Ses
formes ont quelque chose d’une lourdeur rustaude, et cependant elles
sont d’un maintien un peu trop guindé, d’un dessin anguleux et
souvent maladroit. Dans la coloration, le jaune citron, qui donne le
ton aux autres couleurs, est souvent choquant.
Fin élève direct de Tura, Ercole Roberti, se range pleinement à
l’égal de ces maîtres de Ferrare, ses prédécesseurs. Comme nous le
savons maintenant par A. Venturi, dont les recherches ont posé les
fondements de la connaissance des écoles de Ferrare, de Bologne et
de Modène, et élargissent presque quotidiennement cette connais-
sance, le grand tableau d’autel, du Brera, attribué jusqu’ici au
fabuleux Stefano de Ferrare, qui a pris le grand tableau de Cosimo
au Musée de Berlin comme modèle, est l’ouvrage d’Ercole Roberti ;
c’est alors, incontestablement, son chef-d’œuvre. Le Musée de Berlin
possède depuis peu un petit tableau d’un caractère tout à fait
conforme à celui de ce grand tableau d’autel : Saint Jean-Baptiste.
La laideur et l’air hideux de cette figure fait, au premier moment,
paraître ce tableau repoussant : mais la coloration brillante et har-
monieuse nous réconcilie bientôt avec lui. Un attrait spécial vient du
paysage, qui est même dans ce tableau l’élément principal : une plage
rocheuse, derrière laquelle s’est presque entièrement couché déjà un
chaud soleil d’été, répandant encore cependant ses rayons sur le ciel
entier et se reflétant sur la surface calme de la mer. Cette conception
pour ainsi dire moderne du paysage, ainsi que l’intention générale
du tableau, en font une œuvre tout à fait exceptionnelle parmi celles
des Quattrocentistes.
La seconde génération des maîtres de Ferrare n’est point compa-
rable à ces fondateurs de l’école, pas même le plus célèbre des peintres
de cette génération, Lorenzo Costa. C’est seulement dans ses premières
œuvres, datant environ de l’an 1490, que Costa présente une vigueur
et une intensité de coloris, des teintes d’un éclat d’émail, et de
gracieuses formes qui donnent à ses peintures un charme tout original.
Les deux grands tableaux d’autel que possède de lui le Musée de
Berlin n’appartiennent plus à cette première époque de l’artiste de
Ferrare, de beaucoup la meilleure. Les Lamentations devant la mort
du Christ, tableau daté de 1504, montre, dans la maigreur des