CHARDIN AU MUSÉE DU LOUVRE.
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grenades, des raisins, deux pommes, deux verres et un couteau. Il faut
voir comment ces raisins déjà un peu battus sinon avancés, font effet
sur l’œil. Et la grenade ouverte, son joli cœur de pourpre trouve-t-il
un rappel de rouge assez net et discret, à la fois, dans le vin des
verres ! Tout est clarté, tout est joie, rappels et pâte.
Plus froid semblerait le tableau de la Brioche, si l’on s’en rap-
portait au premier regard. Une brioche, la brioche des dimanches
venue de chez le Suisse du coin et surmontée d’une branche d’oranger
fleuri, forme surtout de dessert entre des pèches, des biscuits, des
cerises, un sucrier et un carafon à liqueurs. Depuis les curiosités de
la confiserie italienne connues par les aquarelles de Paul Sevin, nos
maîtres-pâtissiers ne s’étaient pas fait faute de revenir aux saines
préparations de la cuisine française, et les fournisseurs de la bour-
geoisie avaient tenu tous des premiers à flatter le palais avant les
yeux. Ce dédain presque légitime du pittoresque au profit d’avan-
tages plus appréciables à table, n’était guère favorable aux peintres :
mais, du diable aussi ! s’il était venu jamais à aucun faiseur de brio-
ches l’espérance de voir immortaliser un seul de ses moules.
La Fontaine de cuivre, peinte sur bois, parait évidemment l’étude
préparatoire de toutes les Fontaines de Chardin. Il l’a prise ici, à l’état
isolé, pour la savoir en détails. Et, où ne P a-t-il pas mise dans ses
intérieurs! Non content de la répéter dans la Pourvoyeuse et aux coins
de différentes autres scènes, il s’est plu à en faire, par quatre fois, le
sujet principal d’une de ses plus importantes compositions. Le Musée
de l’Ermitage, le Musée de Stockholm, la collection du baron Schwiter
et celle de M. Eudoxe Marcille renferment les répétitions presque
identiques de la même Fontaine. L’exemplaire de M. Marcille est de la
toute excellente pâte du maître. Une servante, à jupe rayée bleu et
rouge, se penche au robinet et remplit un cruchon. La fontaine
occupe, à gauche, le quasi tiers du tableau, pour bien justifier son
titre. Elle est, à elle seule, en effet, tout un poème d’idéal domestique.
Léon Lagrange définissait Chardin « un maître paternel et bour-
geois » ; ce mot de « paternel » il a dû l’écrire, avec le souvenir d’une
de ces Fontaines. L’étude de la salle La Gaze semble d’une couleur plu-
tôt accentuée, en comparaison du morceau de la collection Marcille,
mais l’artiste n’avait pas à tenir compte ici du fondu de la tonalité
d’ensemble requise en matière de composition. Comparez la minutie
de certains Hollandais, de Kalf par exemple, avec cette largeur et
cette largesse de touches inhérentes à l’homme !
Le Panier de Pêches et les Raisins, toile datée de 1756, précéda dans
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grenades, des raisins, deux pommes, deux verres et un couteau. Il faut
voir comment ces raisins déjà un peu battus sinon avancés, font effet
sur l’œil. Et la grenade ouverte, son joli cœur de pourpre trouve-t-il
un rappel de rouge assez net et discret, à la fois, dans le vin des
verres ! Tout est clarté, tout est joie, rappels et pâte.
Plus froid semblerait le tableau de la Brioche, si l’on s’en rap-
portait au premier regard. Une brioche, la brioche des dimanches
venue de chez le Suisse du coin et surmontée d’une branche d’oranger
fleuri, forme surtout de dessert entre des pèches, des biscuits, des
cerises, un sucrier et un carafon à liqueurs. Depuis les curiosités de
la confiserie italienne connues par les aquarelles de Paul Sevin, nos
maîtres-pâtissiers ne s’étaient pas fait faute de revenir aux saines
préparations de la cuisine française, et les fournisseurs de la bour-
geoisie avaient tenu tous des premiers à flatter le palais avant les
yeux. Ce dédain presque légitime du pittoresque au profit d’avan-
tages plus appréciables à table, n’était guère favorable aux peintres :
mais, du diable aussi ! s’il était venu jamais à aucun faiseur de brio-
ches l’espérance de voir immortaliser un seul de ses moules.
La Fontaine de cuivre, peinte sur bois, parait évidemment l’étude
préparatoire de toutes les Fontaines de Chardin. Il l’a prise ici, à l’état
isolé, pour la savoir en détails. Et, où ne P a-t-il pas mise dans ses
intérieurs! Non content de la répéter dans la Pourvoyeuse et aux coins
de différentes autres scènes, il s’est plu à en faire, par quatre fois, le
sujet principal d’une de ses plus importantes compositions. Le Musée
de l’Ermitage, le Musée de Stockholm, la collection du baron Schwiter
et celle de M. Eudoxe Marcille renferment les répétitions presque
identiques de la même Fontaine. L’exemplaire de M. Marcille est de la
toute excellente pâte du maître. Une servante, à jupe rayée bleu et
rouge, se penche au robinet et remplit un cruchon. La fontaine
occupe, à gauche, le quasi tiers du tableau, pour bien justifier son
titre. Elle est, à elle seule, en effet, tout un poème d’idéal domestique.
Léon Lagrange définissait Chardin « un maître paternel et bour-
geois » ; ce mot de « paternel » il a dû l’écrire, avec le souvenir d’une
de ces Fontaines. L’étude de la salle La Gaze semble d’une couleur plu-
tôt accentuée, en comparaison du morceau de la collection Marcille,
mais l’artiste n’avait pas à tenir compte ici du fondu de la tonalité
d’ensemble requise en matière de composition. Comparez la minutie
de certains Hollandais, de Kalf par exemple, avec cette largeur et
cette largesse de touches inhérentes à l’homme !
Le Panier de Pêches et les Raisins, toile datée de 1756, précéda dans