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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 1.1889

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Nr. 3
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Fourcaud, Louis de: François Rude, 4
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https://doi.org/10.11588/diglit.24445#0248

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FRANÇOIS RUDE.

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nous ne savons et nous ne pouvons savoir au juste la portée cl’un
homme qui, bien qu’ayant passé la jeunesse, est, pour nous, presque
entièrement nouveau; mais ce qu’on doit affirmer sans crainte, c’est
que l’Ecole française n’a pas produit, depuis soixante ans, une œuvre
plus complète dans son genre que le Pêcheur napolitain de M. Rude.
Nous nous expliquons aujourd’hui l’étonnement qui nous saisit, il y
a deux ans, quand nous rencontrâmes dans les salles de sculpture
un buste du peintre David que nous ne pouvions attribuer à aucune
des mains connues de l’Ecole, et qui nous paraissait les surpasser
toutes sous le rapport de la vie dans l’imitation.

« Le jeune pêcheur, assis sur un filet, coiffé du bonnet de laine
rouge commun à tous les habitants des côtes de la Méditerranée,
a passé un brin de jonc autour du cou d’une tortue apprivoisée
(chose difficile, je vous le jure, et dont ni vous, ni moi ne nous char-
gerions!) La tortue marche en clopinant, et l’enfant la suit en riant,
le bras tendu et l’autre main appuyée sur la terre, le mouvement du
bizarre Pégase qu’il vient de dompter. L’âge choisi par le statuaire
justifie l’enfantillage, et fait que l’imagination du spectateur y prend
part. Lejeune pêcheur n’a pas plus de douze ans; mais, comme il
arrive dans les fortes races, l’extension précoce du masque indique
le développement prochain d’un homme robuste. L’ensemble de la
figure présente une masse ramassée, surbaissée en quelque sorte et
comme les anciens n’en concevaient guère que pour les placer dans
les angles des frontons. Pour bien jouir de la figure de M. Rude, il
faut venir tout contre, il faut chercher les détails d’imitation dans
les recoins nombreux que forment les membres repliés sur eux-
mêmes. Mais, quant au mérite de Limitation en elle-même, sauf un
peu d’indécision dans le bras qui guide la tortue, je n’ai ni mots
pour la louange, ni prétexte pour la critique. Ce n’est pas seule-
ment des os, des muscles et de la chair : c’est de la peau, c’est un
tissu élastique et inégal, épais sous les pieds, tendu sur les os, mou
sur le ventre, luisant et bronzé sur la figure, mince et transparent
sur les lèvres; c’est de l’eau dans les yeux, de l’air dans la cheve-
lure. La tête parle; elle rit d’un rire franc et solide : le statuaire
n’a jamais su mieux rencontrer l’animation sans charge et sans
exagération. »

Il y a, dans cet article, des vues judicieuses sur l’art et la nature,
une saine notion du tempérament de Rude, et de libérales tendances
mêlées de quelques idées surannées. Au fond, Lenormand est dans le
vrai : les querelles d’école reposent invariablement sur des malen-
 
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