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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 1.1889

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Nr. 3
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Fourcaud, Louis de: François Rude, 4
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https://doi.org/10.11588/diglit.24445#0249

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224

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

tendus. Voyez plutôt ce qui se passe à l’endroit du Petit Pêcheur 1.
On est, en 1833, en pleine effervescence de guerre entre classiques
et romantiques : et tout le monde est d’accord pour louer l’œuvre
nouvelle et la sacrer chef-d’œuvre. « Voilà une admirable statue,
disent les classiques, pour la pureté du style et la beauté de
l’exécution. Le mouvement est d’une simplicité exemplaire. Nulle
complication dans le sujet; pas ombre de littérature dans les inten-
tions. Rien de fiévreux, d’excessif, d’inachevé, de transcendant et
d’insensé. Ce sculpteur est vraiment à nous puisqu'il n’est pas en
démence. » — « Ce sculpteur est à nous seuls, ripostent les roman-
tiques, puisqu’il ne se recommande ni des Grecs, ni des Romains, et
qu’il est amoureux de la vie. Quel est le caractère de la composition?
— C’est, évidemment, le pittoresque. Le bonnet de laine, le scapu-
laire, accessoires inconnus des anciens, trahiraient, au besoin, les
véritables instincts de l’auteur. Et quelle préoccupation essentielle
accuse l’exécution, s’il vous plait, hors un passionné désir de rendre
la vie sensible, intimement palpitante et moite? Nous aimons cette
figure pour sa vitalité, pour sa vivacité. Elle est originale ; elle
ne relève que de nos principes. Tant pis pour qui ne le voit pas! »
Personne ne semble s’apercevoir qu’il y a eu, parmi les antiques
aussi bien que parmi les modernes, des artistes de sincérité et des
artistes de convention. On ne peut s’émerveiller raisonnablement
de tout ce que nous a laissé l’antiquité. Les grands maîtres grecs
sont ceux-là qui, libres devant le réel, ont fixé dans le marbre
blanc l’humanité grecque telle qu’ils la voyaient. Pour les autres,
servilement assujettis à des formules et d’une notoire impuissance,
ils se sont traînés dans les redites pauvrement et banalement.

A la distance où nous sommes des querelles d’art de 1833, nous
sourions également des romantiques et des classiques. Chez les uns
et chez les autres on trouvait de fort misérables esprits, affolés de
préjugés pareillement ridicules, quoique contraires, mais on rencon-
trait aussi de droites intelligences, curieuses des formes vraies et des
expressions vivantes, très dignes de se comprendre et séparées, à le
bien prendre, par de simples nuances de sentiment et quelques défi-
nitions de mots. François Rude, d’ailleurs, fut un indépendant dans
toute la force du terme, et le plus détaché qui pût être des vaines
théories. Pour mieux dire, deux hommes sont en lui qui, dans

1. Il n’est pas sans intérêt de rappeler que Rude a été nommé chevalier de
la Légion d'honneur à la suite du Salon de 1833 et que le Petit Pêcheur, acheté
par le Roi, est aujourd’hui au Musée du Louvre.
 
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