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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 1.1889

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Nr. 3
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Fourcaud, Louis de: François Rude, 4
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https://doi.org/10.11588/diglit.24445#0258

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FRANÇOIS RUDE.

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célébrer, à Dijon, par une œuvre quelconque, sur la place royale
ou ailleurs, les « Héros de Juillet ». Tout lasse et tout passe. Cepen-
dant, il y a eu une souscription publique ; la plupart des communes
delà Côte-d’Or ont envoyé leur offrande. « Qu’est devenu l’argent? »
demandent les journaux de l’époque. Hélas ! personne ne l'a jamais
su. Mais Rude, à cette heure, est tout entier à son Petit Pêcheur napo-
litain... Du diable si tout le reste a de quoi le toucher.

Et puis, vous ne savez pas combien, après ce temps, le pauvre
homme a de tristesse ! Il n’est plus que son art qui le puisse absorber
et consoler. D’on vient le vide affreux, le morne silence dans le petit
logis de la rue d’Enfer ! Où est donc le petit Amédée, l’enfant de tant
d’espérance?... Ah! malheureux parents dont il réchauffait inces-
samment le cœur ! Un jour de 1830, la mort a pris cette souriante
innocence et nulle gloire, désormais, n’adoucira l’amer regret de
ceux qui demeurent. « J’ai presque renoncé à toutes nos connais-
sances, écrit Mme Rude, en un mot désolé, car partout je vois des
enfants. » Pour Rude, il a gardé bien longtemps, d’une telle secousse,
une effrayante surexcitation. Au mois de mai 1833, sa femme n’ose
encore aller à Bruxelles avec lui. « Je crains, dit-elle, que les sou-
venirs déchirants qui nous accableraient dans ce pays où nous avons
été si heureux ne soient trop forts pour lui... Lorsque mon beau-frère
était ici, j’avais été forcée de lui dire de ne plus parler de ses enfants
devant mon mari, tant sa figure était bouleversée. Si je n’avais pas eu
assez d’empire sur moi pour reprendre ma gaieté et l’encourager par
mon exemple, je n’aurais pas pu le conserver. Je puis, heureusement,
cacher tout ce que j’éprouve, et je me suis étudiée à changer toutes
les conversations qui pourraient l’émouvoir, quitte à paraître ridi-
cule aux gens auxquels je coupais la parole. Enfin, j’ai réussi, et il
est presque entièrement débarrassé de cette maladie de nerfs causée
par le chagrin. » Douleur terrible, celle-là qui se dissimule. Autant
qu’ils vivront, les inconsolés penseront toujours à l’absent sans se
l’avouer jamais. Et voyez la fatalité ! De ce petit être adoré, autour
duquel tant de rêves rayonnèrent, il ne reste aujourd’hui qu’un por-
trait peint par sa mère, alors qu’il avait six ans et une lettre de cinq
ou six lignes où il promet à son grand-papa d’être bien sage1. Son
acte de décès a été brûlé parles incendies de la Commune de 1871, et
l’on ne saurait même plus dire au juste à quelle date il est mort.
O misère de la vie !...

(La suite prochainement.) FOURCAUD.

1. Le portrait et la lettre sont conservés par la famille Cabet, àNuits (Côte-d’Or).

i. - 3e

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PERIODE.
 
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