CORRESPONDANCE D’ANGLETERRE.
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La Femme à l'Éventail, datant de 1041 et appartenant aussi à la reine, est peut-
être, en ce qui regarde la conservation, la richesse assombrie des tons et le jeu
merveilleux de la lumière, le morceau capital de la seconde manière.
Des disputes ont éclaté et éclateront encore autour de la grande toile de Sir
Richard Wallace représentant la Parabole des laboureurs au vignoble. Non pas
qu’on puisse vraiment douter de l’authenticité de cette toile — une des plus
grandes, comme dimensions, qui soient sorties de l’atelier du peintre — mais
parce que d'aucuns, se liant aux indices qu’offrent les tons gris des chairs, ont
voulu la placer vers 1650, tandis que d’autres, et surtout le docteur Bode, pré-
fèrent la mettre au nombre des derniers travaux. Certes les merveilleux rouges
rompus des étoffes qui revêtent le personnage principal, et le faire large mais
sommaire, et jusqu’à un certain point lâché, de l’ensemble sont autant de témoi-
gnages en faveur de la dernière hypothèse.
Je goûte peu le paysage de fantaisie qui provient de Manchester Itouse; il est
comme celui de Cassel trop évidemment composé d’éléments hétérogènes, et trop
indirectement puisé à la nature. Le petit paysage du maître (à lord Northbrook),
qui représente fort simplement une campagne hollandaise, et à mon avis infiniment
supérieur à cette fantaisie douteuse de Rembrandt.
Parmi les Rubens je signalerai surtout l’imposant et magnifique portrait de ce
prince des dilettantes, le grand comte d’Arundel; il serait intéressant de le com-
parer au portrait du même personnage, représenté dans un âge plus avancé avec
un de ses petits-fils, par Van Dyck, oeuvre qui parut il y a deux ans à l’exposition
de la Grosvenor Gallery. Les deux toiles appartiennent, comme de droit, au duc
de Norfolk, qui possède le domaine et porte le titre des comtes d’Arundel. Une
magnifique décoration, Paysans allant au marché, qui paraît être presque entiè-
rement de la main du maître d’Anvers, provient de la collection de Lady
Ashburton. Le Mariage de Mars et de Vénus est une grande toile restée en partie
à l’état d’ébauche, dont l'intérêt principal est de révéler le procédé en usage dans
l'atelier de Rubens au moment de sa grande célébrité. Sur le sujet, qui apparaît,
déjà entièrement et soigneusement peint en grisaille, on devine la brosse du
maître courant sur la toile et y mettant, là où sa main a [tassé, le charme de la
couleur et l’intensité de la vie.
Entre quatre paysages de Claude de Lorraine — maître pour lequel les collec-
tionneurs anglais d’aujourd’hui ont conservé le culte que lui vouaient les délicats
du siècle dernier — on remarquera surtout les deux célèbres pastorales faisant
partie de la collection de lord Northbrook. Celle qui montre un Berger jouant
d’un chalumeau, au premier plan d’un doux paysage éclairé par les lueurs du
crépuscule, est un vrai chef-d’œuvre, digne, malgré ses dimensions moindres,
d’être comparé au merveilleux Château sur le bord de la mer, que montra l’hiver
dernier lord Wantage.
Depuis la grande exposition rétrospective qui eut lieu à Berlin en 1883, — et
dont M. Charles Ephrussi a rendu compte aux lecteurs de la Gazette — on n'a
pas vu une aussi admirable collection des œuvres de Watteau et de Lancret que
celle qu’on a actuellement réunie sur les parois de la seconde salle de l’Academy.
Cet ensemble est composé des collections entières de Sir Richard Wallace et de
M. Alfred de Rothschild, auxquelles s’ajoute une seule petite toile exquise appelée :
Mascarade, appartenant à lord Northbrook. Tout naturellement il n’y a rien de
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La Femme à l'Éventail, datant de 1041 et appartenant aussi à la reine, est peut-
être, en ce qui regarde la conservation, la richesse assombrie des tons et le jeu
merveilleux de la lumière, le morceau capital de la seconde manière.
Des disputes ont éclaté et éclateront encore autour de la grande toile de Sir
Richard Wallace représentant la Parabole des laboureurs au vignoble. Non pas
qu’on puisse vraiment douter de l’authenticité de cette toile — une des plus
grandes, comme dimensions, qui soient sorties de l’atelier du peintre — mais
parce que d'aucuns, se liant aux indices qu’offrent les tons gris des chairs, ont
voulu la placer vers 1650, tandis que d’autres, et surtout le docteur Bode, pré-
fèrent la mettre au nombre des derniers travaux. Certes les merveilleux rouges
rompus des étoffes qui revêtent le personnage principal, et le faire large mais
sommaire, et jusqu’à un certain point lâché, de l’ensemble sont autant de témoi-
gnages en faveur de la dernière hypothèse.
Je goûte peu le paysage de fantaisie qui provient de Manchester Itouse; il est
comme celui de Cassel trop évidemment composé d’éléments hétérogènes, et trop
indirectement puisé à la nature. Le petit paysage du maître (à lord Northbrook),
qui représente fort simplement une campagne hollandaise, et à mon avis infiniment
supérieur à cette fantaisie douteuse de Rembrandt.
Parmi les Rubens je signalerai surtout l’imposant et magnifique portrait de ce
prince des dilettantes, le grand comte d’Arundel; il serait intéressant de le com-
parer au portrait du même personnage, représenté dans un âge plus avancé avec
un de ses petits-fils, par Van Dyck, oeuvre qui parut il y a deux ans à l’exposition
de la Grosvenor Gallery. Les deux toiles appartiennent, comme de droit, au duc
de Norfolk, qui possède le domaine et porte le titre des comtes d’Arundel. Une
magnifique décoration, Paysans allant au marché, qui paraît être presque entiè-
rement de la main du maître d’Anvers, provient de la collection de Lady
Ashburton. Le Mariage de Mars et de Vénus est une grande toile restée en partie
à l’état d’ébauche, dont l'intérêt principal est de révéler le procédé en usage dans
l'atelier de Rubens au moment de sa grande célébrité. Sur le sujet, qui apparaît,
déjà entièrement et soigneusement peint en grisaille, on devine la brosse du
maître courant sur la toile et y mettant, là où sa main a [tassé, le charme de la
couleur et l’intensité de la vie.
Entre quatre paysages de Claude de Lorraine — maître pour lequel les collec-
tionneurs anglais d’aujourd’hui ont conservé le culte que lui vouaient les délicats
du siècle dernier — on remarquera surtout les deux célèbres pastorales faisant
partie de la collection de lord Northbrook. Celle qui montre un Berger jouant
d’un chalumeau, au premier plan d’un doux paysage éclairé par les lueurs du
crépuscule, est un vrai chef-d’œuvre, digne, malgré ses dimensions moindres,
d’être comparé au merveilleux Château sur le bord de la mer, que montra l’hiver
dernier lord Wantage.
Depuis la grande exposition rétrospective qui eut lieu à Berlin en 1883, — et
dont M. Charles Ephrussi a rendu compte aux lecteurs de la Gazette — on n'a
pas vu une aussi admirable collection des œuvres de Watteau et de Lancret que
celle qu’on a actuellement réunie sur les parois de la seconde salle de l’Academy.
Cet ensemble est composé des collections entières de Sir Richard Wallace et de
M. Alfred de Rothschild, auxquelles s’ajoute une seule petite toile exquise appelée :
Mascarade, appartenant à lord Northbrook. Tout naturellement il n’y a rien de