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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 1.1889

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Nr. 4
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Humbert, Edouard: Jean-Étienne Liotard et ses oeuvres, 3
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https://doi.org/10.11588/diglit.24445#0337

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JEAN-ÉTIENNE LIOTÀRD.

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deste, — à quelques exceptions près,— ni présomptueux, il avait, on
ne l’ignore pas, conscience de son mérite personnel et de ses efforts
soutenus. Il se savait, au surplus, apprécié généralement à sa juste
valeur. En Italie, en Allemagne, en Autriche, en Turquie, sa répu-
tation était faite, elle ne dépendait plus du caprice de celui-ci ou de
celui-là plus ou moins bien disposé. Les étrangers qui passaient à
Genève venaient volontiers le voir et admirer son « cabinet » de
tableaux, comme on disait alors. C’est ainsi que, dispos et vigoureux
malgré son âge, il se conservait jeune d’esprit et sans infirmités.
Une romancière allemande, Mme Sophie de la Roche, qui voyageait
en Suisse, fit visite à Liotard et n’eut pas lieu de se plaindre de « l’il-
lustre peintre », à qui elle a consacré les lignes suivantes : « Je vis
chez lui beaucoup de chefs-d’œuvre de grands artistes, parmi lesquels
un tableau de la célèbre Rosalba, à Venise. La tendre délicatesse
qu’elle savait mettre dans ses portraits, jusqu’aux bras et aux joues,
est surprenante, et jusqu’à présent est restée inimitable. Le mélange
de ses couleurs est tout plein de grâce. Nous avons vu ensuite deux
tableaux de fleurs et de fruits, du Hollandais Van Huysum, estimés
10,000 florins, un magnifique tableau de Rembrandt, et d’autres
encore. Comme mon compagnon de voyage considérait quelques
œuvres de Liotard lui-même : — Monsieur, dit-il, vos pêches me plai-
sent mieux que celles de Aran Huysum ; elles sont plus mûres. —Aussi-
tôt le vieillard de 81 ans répondit finement, avec un sourire qui mar-
quait sa satisfaction d’avoir pu surpasser un grand artiste : — Les
pèches mûrissent mieux au soleil de Genève que sur le sol maréca-
geux de la Hollande. »

Liotard l’aimait, ce soleil de Genève. Pour un homme qui avait
séjourné si longtemps et si souvent hors des murs de sa ville natale,
il avait gardé vivace l’amour du paj^s, le dévouement à sa prospérité
et à son bonheur. On dirait même que ce sentiment patriotique, loin
de s’éteindre, se soit rallumé plus ardent, plus vif, avec les années.
N’eut-il pas la bonne pensée, suivie de l’acte, d’envoyer au comte de
Vergennes un cadeau de sa façon, pour remercier cet homme d’Etat
qui était intervenu comme médiateur dans les dissensions génevoises,
si fréquentes au dernier siècle? Qu’on lise plutôt la lettre suivante1,
dont l’original appartient à la Bibliothèque de l’Institut; elle est
adressée à M. Hennin :

1. J’en dois la communication à l’obligeance de feu M. le professeur J. Adert,
et de M. Théophile Dufour, le savant Bibliothécaire de la ville de Genève,
i. — 3e période. 39
 
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