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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
sonnage un type beaucoup plus agréable à regarder que beaucoup de
ceux qu’ont pourtraits les peintres de la Renaissance italienne. Le
modelé est très bon; la figure, habilement mise en lumière, attire bien
toute l’attention du spectateur qui n’est point distrait par les détails;
quelques restaurations, très visibles, n’altèrent pas sensiblement le
mérite de cette peinture qui tiendrait un rang très honorable dans
n’importe quel musée. Est-il besoin de m’appesantir sur la seconde
œuvre attribuée à Foppa, une Vierge et VEnfant Jésus ? Qu’elle soit de
Foppa ou de son élève, Floriano Ferramola, comme le vent M. Morelli,
j’avoue que la chose me laisse assez indifférent; mais je ne demande
pas mieux que de décharger la mémoire de l’artiste d’un tableau
d’aspect fort désagréable qui, du reste, n’est pas d’une conservation
irréprochable. Disons maintenant, avant de passer à l’Ecole véni-
tienne, un mot des peintures de Cosimo Tura et de Lorenzo Costa,
deux artistes, le maître et l'élève, représentés dans la collection
Poldi par des spécimens fort intéressants; ils sont de nature à mon-
trer tout le chemin parcouru par Costa, affranchi de la manière quel-
quefois trop expressive, et même un peu brutale, de Cosimo Tura.
Sans parvenir à l’aspect grandiose de la Vierge entourée cle Saints,
que possède le Musée de Berlin, la Charité de la collection Poldi est
un tableau qui compte dans l’œuvre du maître. La composition en est
originale et inattendue. Sur une chaire, dont le dossier est tendu
d’une riche étoffe, le peintre officiel des souverains de Ferrare a assis
sa figure de la Charité, une femme de grande taille, les cheveux dé-
noués, vêtue d’une robe de soie brochée et d’un ample manteau
drapé sur les genoux. Elle a détaché, de sa coiffure sans doute, une
écharpe d’étoffe légère, sorte de banderole que se disputent trois
jeunes enfants qui dansent autour d’elle. L’un d’eux, à la figure
joyeuse et complètement réaliste, saisit la main que la Charité laisse
pendre dans un mouvement d’abandon tout à fait charmant. Ce
groupe, plein de sentiment, repose sur une sorte de socle bariolé
de couleurs voyantes et orné d’une inscription. Une tonalité générale
un peu dure et un peu heurtée gâte, à n’en pas douter, une si
gracieuse composition, où l’on ne trouve que bien peu de traces de
la manière, parfois légèrement sauvage, du maître. Un Portrait
d’homme âgé, de profil, nous le montre, par contre, absolument
réaliste. Ce bonhomme vêtu d’une robe rouge, coiffé d’un chaperon
violet, dont les plis retombent par derrière, se profile en silhouette
sur un fond noir. Le dessin est sec, brutal, et le peintre ne nous
fait grâce d’aucun détail, d’aucune ride. Le nez fortement busqué,
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
sonnage un type beaucoup plus agréable à regarder que beaucoup de
ceux qu’ont pourtraits les peintres de la Renaissance italienne. Le
modelé est très bon; la figure, habilement mise en lumière, attire bien
toute l’attention du spectateur qui n’est point distrait par les détails;
quelques restaurations, très visibles, n’altèrent pas sensiblement le
mérite de cette peinture qui tiendrait un rang très honorable dans
n’importe quel musée. Est-il besoin de m’appesantir sur la seconde
œuvre attribuée à Foppa, une Vierge et VEnfant Jésus ? Qu’elle soit de
Foppa ou de son élève, Floriano Ferramola, comme le vent M. Morelli,
j’avoue que la chose me laisse assez indifférent; mais je ne demande
pas mieux que de décharger la mémoire de l’artiste d’un tableau
d’aspect fort désagréable qui, du reste, n’est pas d’une conservation
irréprochable. Disons maintenant, avant de passer à l’Ecole véni-
tienne, un mot des peintures de Cosimo Tura et de Lorenzo Costa,
deux artistes, le maître et l'élève, représentés dans la collection
Poldi par des spécimens fort intéressants; ils sont de nature à mon-
trer tout le chemin parcouru par Costa, affranchi de la manière quel-
quefois trop expressive, et même un peu brutale, de Cosimo Tura.
Sans parvenir à l’aspect grandiose de la Vierge entourée cle Saints,
que possède le Musée de Berlin, la Charité de la collection Poldi est
un tableau qui compte dans l’œuvre du maître. La composition en est
originale et inattendue. Sur une chaire, dont le dossier est tendu
d’une riche étoffe, le peintre officiel des souverains de Ferrare a assis
sa figure de la Charité, une femme de grande taille, les cheveux dé-
noués, vêtue d’une robe de soie brochée et d’un ample manteau
drapé sur les genoux. Elle a détaché, de sa coiffure sans doute, une
écharpe d’étoffe légère, sorte de banderole que se disputent trois
jeunes enfants qui dansent autour d’elle. L’un d’eux, à la figure
joyeuse et complètement réaliste, saisit la main que la Charité laisse
pendre dans un mouvement d’abandon tout à fait charmant. Ce
groupe, plein de sentiment, repose sur une sorte de socle bariolé
de couleurs voyantes et orné d’une inscription. Une tonalité générale
un peu dure et un peu heurtée gâte, à n’en pas douter, une si
gracieuse composition, où l’on ne trouve que bien peu de traces de
la manière, parfois légèrement sauvage, du maître. Un Portrait
d’homme âgé, de profil, nous le montre, par contre, absolument
réaliste. Ce bonhomme vêtu d’une robe rouge, coiffé d’un chaperon
violet, dont les plis retombent par derrière, se profile en silhouette
sur un fond noir. Le dessin est sec, brutal, et le peintre ne nous
fait grâce d’aucun détail, d’aucune ride. Le nez fortement busqué,