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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 1.1889

DOI issue:
Nr. 5
DOI article:
Taine, Hippolyte: Édouard Bertin
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https://doi.org/10.11588/diglit.24445#0404

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3GG

GAZETTE DES BEAUX-AIITS.

moins familiers et moins intelligibles que les campagnes de Seine-et-
Oise ou de Seine-et-Marne ; n’ayant pas vu l’original, le public ne
reconnaissait pas la copie ; il ne sentait pas qu’elle était directe et
sincère. — Et pourtant elle l’était : eux aussi, les peintres qu’on
appelait classiques avaient observé la nature, et d’aussi près, aussi
longuement, avec autant de pénétration que leurs rivaux. Seulement,
ils l’avaient observée par un autre aspect. — En toute chose, il y a
des dessus, plus ou moins extérieurs, accidentels et temporaires, chan-
geants, par suite d’importance moindre, et un dessous, fondamental,
stable et solide, partant d’importance supérieure : dans la figure
humaine, c’est la charpente osseuse et son revêtement de muscles;
dans la campagne, c’est le squelette et l’écorché du sol ; de même,
dans les autres portions du paysage, ciel, mer. eaux, bâtisses, arbres
et verdures. Voilà ce qui touchait les modernes successeurs du Pous-
sin; ils s’intéressaient, dans les choses, à ce qui dure, par suite, à ce
qui est fort, calme et grand. Leurs yeux ne s’arrêtaient pas volontiers
sur les plaines de la Flandre et de la Beauce, sur la terre meuble dont
l’uniformité efface le relief de l’écorce minérale, sur les collines indé-
terminées de l’Ile-de-France et de la Picardie, sur le pourtour mol-
lasse de l’horizon en pays brumeux, sur nos cultures annuelles et
notre œuvre éphémère, sur un champ labouré, une moisson, une
prairie en fleur; ils cherchaient d’instinct, en Provence, en Italie,
plus loin encore, les sites où les monts abrupts font saillir l’ossature
de la terre, où l'homme se sent, non dans un potager, mais sur une
planète. Pareillement ils n’avaient pas de plaisir à regarder nos vil-
lages, des amas informes de chaumières boiteuses ou bossues, les
lignes fléchissantes d’un toit encroûté de mousses, une masure de
bois et de plâtras, un mur de torchis et de pierres telles quelles, mal
appareillées et qui ne tiendront pas l’aplomb. Par contre, ils contem-
plaient avec complaisance les grandes pierres taillées et jointoyées,
aussi fermes que la montagne voisine d’où elles sont issues, les
assises inébranlables des blocs superposés, la dalle de granit, le fût
de marbre, la poutre de porphyre, les formes architecturales qui
restent debout par leur propre force, l’architrave à plat sur sa rangée
de colonnes, le cintre appuyé sur ses jambages massifs, les poussées
égales qui maintiennent leur équilibre contre l’assaut des siècles ; de
fait, ils ne s’arrêtaient guère que devant les monuments qui ont
résisté à l’assaut de quinze, vingt ou trente siècles, aqueducs, amphi-
théâtres, substructions cyclopéennes, voies romaines, temples grecs,
escaliers, pylônes et colosses égyptiens, devant la muraille d’enceinte
 
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