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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
fondée il y a un an à peine, a entrepris, avec ses seules ressources et
sans autre appui officiel qu’une large subvention du Conseil muni-
cipal, ce que le gouvernement n’a pas cru devoir faire. La direction
des Beaux-Arts a gracieusement mis à sa disposition la salle des
Etats au Louvre, de superbes tapisseries du Garde-Meuble et un
certain nombre de vitrines. L’organisation de l’exhibition a été
confiée à M. Fernand Calmettes qui, sans parler de son double talent
de peintre et d’écrivain, avait fait preuve des qualités les plus prati-
ques en 1885 lors de l’exposition d’Eugène Delacroix. M. Etienne
Charavay lui a prêté le concours de sa réelle érudition et des
richesses autographiques et iconographiques dont le dépôt, singuliè-
rement accru depuis, lui a été transmis par son père. D’autres
membres de la Société ont provoqué les libéralités des principaux
curieux de Paris et de tant d’efforts désintéressés est sortie l’Expo-
sition inaugurée le 18 avril par M. le Président de la République.
Si l’on ne savait à quel point les passions politiques divisent les
hommes et accentuent, de génération en génération, les malen-
tendus, on pourrait s’étonner à bon droit qu’un siècle se soit écoulé
avant qu’on osât tenter ce que la Société vient d’accomplir. La Révo-
lution n’est pas seulement dans notre histoire un fait d’une incalcu-
lable portée, elle offre au point de vue pittoresque ou plastique des
surprises et des curiosités en quelque sorte inépuisables, car elle a
tout marqué de sa forte empreinte, aussi bien les allégories les plus
métaphysiques que les objets les plus usuels. De cette fièvre de réno-
vation, de cette foi sincère dans un progrès à la fois immédiat et
indéfini, du spectacle entraînant ou terrible que la rue offrait chaque
jour, de ce constant appel aux instincts les plus nobles et les plus
vils de l’âme humaine, des incertitudes poignantes du lendemain, des
fibres vibrantes d’un patriotisme exalté jusqu’à la folie et jusqu’au
crime, devait naitre un art profondément personnel, spontané,
vivant. Cet art attend encore ses historiens : la voie leur a été tracée
par Jules Renouvier dont, en dépit de ses lacunes, le livre, brusque-
ment interrompu par la mort, reste le vcicle mecum de tous ceux
qu’attire le même sujet et qui se sont efforcés de le traiter après lui.
M. Champfleury, M. Grand-Carteret ont apporté à l’étude de la
céramique et de la caricature révolutionnaires de précieuses contri-
butions; mais, pas plus que Millin et Michel Hennin qui, au début
du siècle, se sont efforcés de classer et de décrire les types
numismatiques et monétaires de la même période, ces pionniers de
la première heure n’ont défriché jusqu’au tuf un champ dont il
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fondée il y a un an à peine, a entrepris, avec ses seules ressources et
sans autre appui officiel qu’une large subvention du Conseil muni-
cipal, ce que le gouvernement n’a pas cru devoir faire. La direction
des Beaux-Arts a gracieusement mis à sa disposition la salle des
Etats au Louvre, de superbes tapisseries du Garde-Meuble et un
certain nombre de vitrines. L’organisation de l’exhibition a été
confiée à M. Fernand Calmettes qui, sans parler de son double talent
de peintre et d’écrivain, avait fait preuve des qualités les plus prati-
ques en 1885 lors de l’exposition d’Eugène Delacroix. M. Etienne
Charavay lui a prêté le concours de sa réelle érudition et des
richesses autographiques et iconographiques dont le dépôt, singuliè-
rement accru depuis, lui a été transmis par son père. D’autres
membres de la Société ont provoqué les libéralités des principaux
curieux de Paris et de tant d’efforts désintéressés est sortie l’Expo-
sition inaugurée le 18 avril par M. le Président de la République.
Si l’on ne savait à quel point les passions politiques divisent les
hommes et accentuent, de génération en génération, les malen-
tendus, on pourrait s’étonner à bon droit qu’un siècle se soit écoulé
avant qu’on osât tenter ce que la Société vient d’accomplir. La Révo-
lution n’est pas seulement dans notre histoire un fait d’une incalcu-
lable portée, elle offre au point de vue pittoresque ou plastique des
surprises et des curiosités en quelque sorte inépuisables, car elle a
tout marqué de sa forte empreinte, aussi bien les allégories les plus
métaphysiques que les objets les plus usuels. De cette fièvre de réno-
vation, de cette foi sincère dans un progrès à la fois immédiat et
indéfini, du spectacle entraînant ou terrible que la rue offrait chaque
jour, de ce constant appel aux instincts les plus nobles et les plus
vils de l’âme humaine, des incertitudes poignantes du lendemain, des
fibres vibrantes d’un patriotisme exalté jusqu’à la folie et jusqu’au
crime, devait naitre un art profondément personnel, spontané,
vivant. Cet art attend encore ses historiens : la voie leur a été tracée
par Jules Renouvier dont, en dépit de ses lacunes, le livre, brusque-
ment interrompu par la mort, reste le vcicle mecum de tous ceux
qu’attire le même sujet et qui se sont efforcés de le traiter après lui.
M. Champfleury, M. Grand-Carteret ont apporté à l’étude de la
céramique et de la caricature révolutionnaires de précieuses contri-
butions; mais, pas plus que Millin et Michel Hennin qui, au début
du siècle, se sont efforcés de classer et de décrire les types
numismatiques et monétaires de la même période, ces pionniers de
la première heure n’ont défriché jusqu’au tuf un champ dont il