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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Krafft et Pierre Vischer, auxquels M. Bode joint, ajuste litre, le vieux Michaël
Wohlgemuth, ou plutôt les sculpteurs de son atelier.
Tout le inonde connaît les chefs-d'œuvre de Yeit Stoss. La grande lunette de la
Salutation angélique, à Saint-Laurent de Nuremberg, la Sainte couchée du Musée
Germanique, la Pieta et la Vierge avec saint Jean de l’église Saint-Jacques, suffiraient
à faire apprécier ce maître remarquable qui joint à une extrême habileté technique
un sens tout à fait particulier de la beauté des formes. Comme Étienne Lochner
de Cologne, il est le plus allemand et le plus original des artistes de l’Allemagne.
Quant à Adam Krafft qui représente la sculpture de la pierre, comme Stoss
représente celle du bois et Yiscber celle du bronze, son Chemin de la Croix sur la
route du cimetière Saint-Jean, son Calvaire dans ce cimetière même, sa Mise au
tombeau de Saint-Sebald, el le Sacramenthaus de Saint-Laurent, son chef-d’œuvre,
nous le montrent dans les principaux traits de son art : art plus expressif, si l’on
veut, plus mouvementé à coup sûr, que celui de Stoss, mais plus lourd et moins
gracieux, comme celui du vieux Wohlgemuth.
Pierre Vischer, fils et élève de Hermann Vischer, est le plus populaire de ces
trois grands sculpteurs de Nuremberg. 11 en est, incontestablement, le plus habile,
et son célèbre Tombeau de saint Sebald est un chef-d'œuvre dans son genre. Mais
Vischer n’a plus ni le sens de la beauté de Stoss, ni le profond sentiment de Krafft.
Son art, plus classique, plus pur, est aussi plus froid.
L’éclat de l’École de Nuremberg ne doit pas faire oublier deux sculpteurs fran-
coniens que nous ne pouvons que signaler ici : le maître anonyme de Y Autel de
Creglingen, auteur de nombreux groupes où des types féminins d’une grâce singu-
lière se rencontrent avec d’autres types d’une lourdeur tout allemande : et le
célèbre Tilman Riemenschneider, Saxon d’origine, mais établi à Wurzbourg, maître
tout classique, bien froid, lui aussi, dans sa charmante perfection.
Augsbourg, rivale de Nuremberg dans la peinture, Cologne, la patrie de la
peinture allemande, n’ont pas produit, au xve siècle, de sculpteurs très originaux.
Le Tyrol, en revanche, a donné naissance à une série de sculpteurs dont l’art égale,
s’il ne le dépasse pas, celui de Nuremberg. C’est un art à mi-chemin de 1 Italie et
de l’Allemagne, expressif et soucieux de la beauté plastique, naïf et puissant. Au
premier rang, M. Bode place à bon droit l’admirable peintre et sculpteur Michel
Pacher, que M. Janitschek, dans son excellente Histoire de la peinture, considérait
de son côté comme l’un des artistes les plus originaux de l’Allemagne. Le chef-
d’œuvre sculptural de Pacher est un Couronnement de la Vierge, peint et doré
(1477), à l’église de Saint-Wolfgang, dans le Tyrol : mais d’autres ouvrages, à
Botzen, à l’église paroissiale de Salzbourg, au Musée Germanique, peuvent servir
à faire connaître la prodigieuse variété, le sain naturalisme et l’incomparable
élégance de sa manière.
Dans l’Allemagne du Nord, les églises d’Annaberg, de Zwickau, de Freiberg, de
Magdebourg, offrent plus d'un monument de sculpture plein de vie et de fraîcheur :
l’église paroissiale de Calcar, près de Cologne, le dôme de Schleswig, où est le
célébré autel sculpté de Hans Bruggemann, bien d’autres églises mériteraient d’être
signalées. Le défaut d’espace nous oblige à renvoyer au livre de M. Bode pour
l’étude de tous ces ouvrages, comme aussi pour l’examen du rapide et lamentable
déclin de la sculpture allemande au xvie siècle, de son alliance, au xvme, avec le style
baroque et rococo, de son état présent : trois sujets que M. Bode traite de la façon
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Krafft et Pierre Vischer, auxquels M. Bode joint, ajuste litre, le vieux Michaël
Wohlgemuth, ou plutôt les sculpteurs de son atelier.
Tout le inonde connaît les chefs-d'œuvre de Yeit Stoss. La grande lunette de la
Salutation angélique, à Saint-Laurent de Nuremberg, la Sainte couchée du Musée
Germanique, la Pieta et la Vierge avec saint Jean de l’église Saint-Jacques, suffiraient
à faire apprécier ce maître remarquable qui joint à une extrême habileté technique
un sens tout à fait particulier de la beauté des formes. Comme Étienne Lochner
de Cologne, il est le plus allemand et le plus original des artistes de l’Allemagne.
Quant à Adam Krafft qui représente la sculpture de la pierre, comme Stoss
représente celle du bois et Yiscber celle du bronze, son Chemin de la Croix sur la
route du cimetière Saint-Jean, son Calvaire dans ce cimetière même, sa Mise au
tombeau de Saint-Sebald, el le Sacramenthaus de Saint-Laurent, son chef-d’œuvre,
nous le montrent dans les principaux traits de son art : art plus expressif, si l’on
veut, plus mouvementé à coup sûr, que celui de Stoss, mais plus lourd et moins
gracieux, comme celui du vieux Wohlgemuth.
Pierre Vischer, fils et élève de Hermann Vischer, est le plus populaire de ces
trois grands sculpteurs de Nuremberg. 11 en est, incontestablement, le plus habile,
et son célèbre Tombeau de saint Sebald est un chef-d'œuvre dans son genre. Mais
Vischer n’a plus ni le sens de la beauté de Stoss, ni le profond sentiment de Krafft.
Son art, plus classique, plus pur, est aussi plus froid.
L’éclat de l’École de Nuremberg ne doit pas faire oublier deux sculpteurs fran-
coniens que nous ne pouvons que signaler ici : le maître anonyme de Y Autel de
Creglingen, auteur de nombreux groupes où des types féminins d’une grâce singu-
lière se rencontrent avec d’autres types d’une lourdeur tout allemande : et le
célèbre Tilman Riemenschneider, Saxon d’origine, mais établi à Wurzbourg, maître
tout classique, bien froid, lui aussi, dans sa charmante perfection.
Augsbourg, rivale de Nuremberg dans la peinture, Cologne, la patrie de la
peinture allemande, n’ont pas produit, au xve siècle, de sculpteurs très originaux.
Le Tyrol, en revanche, a donné naissance à une série de sculpteurs dont l’art égale,
s’il ne le dépasse pas, celui de Nuremberg. C’est un art à mi-chemin de 1 Italie et
de l’Allemagne, expressif et soucieux de la beauté plastique, naïf et puissant. Au
premier rang, M. Bode place à bon droit l’admirable peintre et sculpteur Michel
Pacher, que M. Janitschek, dans son excellente Histoire de la peinture, considérait
de son côté comme l’un des artistes les plus originaux de l’Allemagne. Le chef-
d’œuvre sculptural de Pacher est un Couronnement de la Vierge, peint et doré
(1477), à l’église de Saint-Wolfgang, dans le Tyrol : mais d’autres ouvrages, à
Botzen, à l’église paroissiale de Salzbourg, au Musée Germanique, peuvent servir
à faire connaître la prodigieuse variété, le sain naturalisme et l’incomparable
élégance de sa manière.
Dans l’Allemagne du Nord, les églises d’Annaberg, de Zwickau, de Freiberg, de
Magdebourg, offrent plus d'un monument de sculpture plein de vie et de fraîcheur :
l’église paroissiale de Calcar, près de Cologne, le dôme de Schleswig, où est le
célébré autel sculpté de Hans Bruggemann, bien d’autres églises mériteraient d’être
signalées. Le défaut d’espace nous oblige à renvoyer au livre de M. Bode pour
l’étude de tous ces ouvrages, comme aussi pour l’examen du rapide et lamentable
déclin de la sculpture allemande au xvie siècle, de son alliance, au xvme, avec le style
baroque et rococo, de son état présent : trois sujets que M. Bode traite de la façon