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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 1.1889

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Nr. 6
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Hamel, Maurice: Salon de 1889, [1], La peinture
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https://doi.org/10.11588/diglit.24445#0497

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SALON DE 1889.

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moiteurs d’atmosphère et des ambiances orageuses où les colorations
blêmissent. D’autres furent décidément de leur pays. En bornant son
horizon au ciel fin de la Champagne, à ses délicates verdures, à
l’étain froid de ses eaux, Barrau trouva, dans ces discrets accords, un
vrai goût de terroir. Il nous intéressa à la désuétude des ruelles vil-
lageoises, au calme des midis, aux grisailles d’un jardinage d’au-
tomne; il fut naïvement rural et finement champenois, ce provincial
qui parlait joliment de sa province et qui revient aujourd’hui, par
une naïveté précieuse, à des découpages d’imagerie. Binet, moins
adroit et plus robuste, a dit sur les plaines normandes, sur leurs
ciels chargés d’effluves marins, sur le deuil violet de leurs horizons,
des choses justes et fortement senties; il établit magistralement de
vastes paysages comme la Barre à Quillebœuf; il échoue au rayonne-
ment de la lumière. Mais, ces réserves faites, dans une fin d’école
qui piétine sur place et débite en menue monnaie le paysage roman-
tique, on trouve surtout d’ingénieux spécialistes et d’habiles metteurs
en page, plus ou moins éparpilleurs de nature attardés à des singu-
larités pittoresques, à des virtuosités calligraphiques, à de minces
combinaisons chromatiques, ils rédigent, sans vues d’ensemble, des
monographies sur la géologie et la flore d’un canton. Mis bout à
bout tant de fragments isolés, tant de sites bretons, auvergnats ou
lorrains, ne sauraient former qu’un album illustré de la France, un
supplément colorié au Guide Joanne. La vérité d’art et de nature
n’est pas là. Les prétendus traditionnels ignorent les vraies tradi-
tions : hardiesse d’interprétation, largeur de vues, force d’unité.
L’héritage des romantiques et de Millet, ce puissant généralisateur,
est passé aux mains de ceux que l’on crut révolutionnaires, alors
qu’ils coulaient des observations neuves dans le moule des lois
éternelles. Car c’est dans le paysage surtout que les impressionnistes
ont apporté les révélations décisives. Elevés dans le plein-air,
curieux de sensations directes, attentifs aux nuances complexes qui se
pénètrent et se fondent dans la sérénité de la lumière, ils ont
retrouvé la nature dans sa primitive splendeur. Décomposant le
rayon lumineux pour faire converger sur la rétine son faisceau
recomposé, exaltant les tons par les complémentaires, découvrant
les richesses prismatiques qui fleurissent l’ombre, ils ont fait vibrer
sur la toile avec l’intensité totale de la lumière sa plus délicieuse
caresse et ses modes les plus fugitifs. Au lieu de peintures décolorées
et creuses, où l’impression se disséminait faute de force centrale, on
vit des œuvres de plénitude et de synthèse et la vérité générale
 
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