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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 1.1889

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Nr. 6
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Hamel, Maurice: Salon de 1889, [1], La peinture
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https://doi.org/10.11588/diglit.24445#0499

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SALON DE 1889.

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montre clairement qu’il n’est pas conjuré. Des toiles comme la
Toussaint cle Friant et le Sauvetage de Dawant, illustrations agrandies
où des personnages réels et peu interprétés s’agitent en des milieux
inexpressifs, prouvent qu’un artiste bien outillé peut faire fausse
route et dépenser du talent à côté du vrai. Mais l’art moderne a
marché dans le sens opposé. Quel que fut le sujet, l’affinement ner-
veux de la sensation et la qualité de la mise en œuvre en firent une
création qui portait la marque d’un caractère. Toute la science d’un
temps qui profitait des révélations pittoresques de Delacroix et de
Millet fut possédée et maniée par de rares esprits attentifs au sens
du réel, et l’art français, si intellectuel à toute époque, ne renonça
jamais moins à penser et à faire penser, à moins qu’il ne faille voir
uniquement dans une œuvre comme celle de Degas l’exquise fantaisie
d’un virtuose et non les conclusions d’un observateur cruel et fin,
d’un terrible railleur d’humanité. Une danseuse lui suffit à résumer
un monde ou tout au moins un quart de monde. Avec ses déforma-
tions professionnelles, le factice de son sourire et de ses grâces, dans
l’ambiance des lumières de rampe et des paysages d’opéra, elle
apparait comme la fleur étrange d’un univers artificiel, aussi large-
ment traitée, aussi nécessaire en ce cadre d’illusion qu’un paysan de
Millet sur sa terre et sous son ciel, qu’une Muse de Puvis de
Chavannes dans la sérénité d’un jour étyséen, qu’une mystérieuse
figure de Carrière en son atmosphère de rêve. C’est que tous ceux-là
ont compris la nature et la vie comme un vaste ensemble de
phénomènes liés par des rapports harmoniques ; c’est qu’ils ont créé
des êtres de vérité vivant et respirant dans le milieu réel ou rêvé qui
les explique. Et je ne nie pas que le Salon n’offre des accidents
agréables, mais il fait un peu trop penser à ce géant aux cent bras
qui n’avait qu’une fort petite tête.

MAURICE HAMEL.

(La suite prochainement.)
 
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