Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 1.1889

DOI issue:
Nr. 6
DOI article:
Mantz, Paul: Watteau, 3
DOI Page / Citation link:
https://doi.org/10.11588/diglit.24445#0506

DWork-Logo
Overview
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
460

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

des violoncellistes de profession, il semble avoir côtoyé de très près le
personnel musical du temps de la Régence. On chante beaucoup
dans ses bosquets et ses paysages sont peuplés de guitaristes. Et qui
sait même s’il n’y a pas là une caractéristique du moment? Ces gen-
tilshommes et ces élégantes que la princesse Palatine nous repré-
sente volontiers comme vivant le soir et jouant aux cartes ou buvant
à la clarté des bougies, ont peut-être eu des retours de sentiment,
des heures rêveuses où ils ont aimé la musique dans les bois ?

Le AVatteau ami des musiciens se retrouve dans quelques tableaux
qui ont échappé au grand naufrage. Personne encore n’a signalé,
personne n’a gravé une petite peinture qui fait partie de la collec-
tion de M. Groult, et qui est assez imprévue. On y voit un jeune
flûteur debout et soufflant de tout son cœur dans son instrument. La
singularité, c’est que., dans ce tableau, le peintre nous met en pré-
sence d’un effet de lumière artificielle, car le personnage, étudié
dans un concert du soir, est éclairé par un flambeau qu’on n’aperçoit
pas. Le rayonnement de ce flambeau invisible éveille des points bril-
lants sur le bois verni de la flûte et enveloppe les mains et le visage
du petit musicien d’un reflet rougeâtre dont la délicatesse est presque
hollandaise. Ici, le brave Watteau, qui a eu toutes les curiosités,
manœuvre à la façon d’un Schalcken intelligent.

Etroitement lié avec des musiciens, Watteau avait aussi des
amitiés dans le monde littéraire. Sans parler d’Antoine de La Roque,
qui lui lisait ses libretti d’opéra, il a beaucoup vu le comte de
Caylus. Celui-ci fit sans doute de longues absences, puisqu’il est allé
jusque chez les Levantins; mais à son retour à Paris il ne manquait
pas d’aller retrouver AVatteau à l’hôtel Crozat. Il amenait avec lui
M. Hénin, un homme heureux, puisqu’il a possédé Y Accord parfait et
la Surprise, un des plus beaux tableaux de Watteau, au dire de
Mariette. Les trois amis s’enfermaient et passaient des journées
entières à dessiner. Les modèles étaient empruntés à l’inépuisable
collection de Crozat. Après avoir dit quel plaisir prenait AVatteau à
copier les beaux crayons ou les croquis à la plume de Rubens, de
A^an Dyck, du Titien et de Campagnola 1, Caylus ajoute quelques
paroles singulières : « Ce fut là, dit-il, que nous lui préparions,
M. Hénin... et moi, un nombre infini de desseins, d’après les études

4. Dans sa précieuse note sur Domenico Campagnola, Mariette constate que
Crozat possédait un grand nombre de dessins du paysagiste padouan. Et il
ajoute : & Ces desseins sont fort beaux. Watteau les copia tous, étant chez
M. Crozat, et il avouoit qu’il en avoit beaucoup profité. »
 
Annotationen