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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
rection, c’est la conception fautive, et aujourd'hui dominante, que l’on
se fait de l’art et des ouvrages de Léonard, et cette conception repose
à son tour sur l’ignorance de l’art de son maître, Verrocchio.
Pour apprécier Léonard, il faut d’abord ne pas perdre de vue
que Léonard était un théoricien plus encore peut-être qu’un prati-
cien, que l’observateur de la nature, le savant et le philosophe,
étaient, en lui, égaux à l’artiste, ont même, dans les derniers temps,
dépassé l’artiste. C’est pour cela que Léonard, dans la plupart de ses
ouvrages, s’est laissé aller à des expériences de toutes sortes, à une
recherche des petits détails qui nuisent plus ou moins à l’effet total
des œuvres, qui, du moins, donnent à la plupart de ses œuvres un
air d’incomplète maturité.
Et il n’est pas moins important, pour une saine appréciation de
Léonard, de se rappeler qu’il doit être considéré comme le maître pré-
curseur et initiateur de la Renaissance du Cinquecento, sur les épaules
duquel s’appuient Raphaël aussi bien que Michel-Ange; que Léonard
était, de presque une génération entière, l’aîné de ces artistes, qu’il
a été un pur Quattrocentiste. Bien plus : presque toutes ses œuvres,
au moins en ce qui touche leur conception et leur disposition, datent
d’avant l’année 1490, et la plupart même d’avant l’année 1482. Ainsi
sa carrière artistique devance la date des premières œuvres connues
de ses contemporains plus âgés, Perugin, Botticelli, Ghirlandajo, etc.;
ce qui rend a priori vraisemblable une influence de Léonard sur ces
talents bien inférieurs : influence que prouve en fait très clairement
la vue de leurs œuvres. D’autre part, cette précoce maturité du grand
artiste, son long séjour, en qualité d’assistant, dans l’atelier de son
maître Yerrocchio (en 1478, lorsque déjà Léonard avait plus de
28 ans, nous le voyons encore compagnon d’atelier de Yerrocchio)
rendent plus que probable une action en retour du génial élève sur
le maître, comme aussi une participation de l’élève aux travaux du
maître.
Ce point de vue fait disparaître tous les doutes que l’on a pu avoir
sur l’attribution à Léonard, comme œuvres de sa jeunesse, du Por-
trait de femme, de la collection Lichtenstein, à Yienne, des deux
Annonciations, celle du Louvre, attribuée à Lorenzo di Credi, et celle
des Uffizi, de la Vierge aux Rochers, inachevée, delà National Gallery.
C’est à ce point de vue aussi qu’il est possible et qu’il convient de
juger la Résurrection de Berlin.
Une chose nous choque, au premier coup d’œil, dans ce tableau, et
c’est la seule raison valable que l’on ait pour mettre en doute la
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
rection, c’est la conception fautive, et aujourd'hui dominante, que l’on
se fait de l’art et des ouvrages de Léonard, et cette conception repose
à son tour sur l’ignorance de l’art de son maître, Verrocchio.
Pour apprécier Léonard, il faut d’abord ne pas perdre de vue
que Léonard était un théoricien plus encore peut-être qu’un prati-
cien, que l’observateur de la nature, le savant et le philosophe,
étaient, en lui, égaux à l’artiste, ont même, dans les derniers temps,
dépassé l’artiste. C’est pour cela que Léonard, dans la plupart de ses
ouvrages, s’est laissé aller à des expériences de toutes sortes, à une
recherche des petits détails qui nuisent plus ou moins à l’effet total
des œuvres, qui, du moins, donnent à la plupart de ses œuvres un
air d’incomplète maturité.
Et il n’est pas moins important, pour une saine appréciation de
Léonard, de se rappeler qu’il doit être considéré comme le maître pré-
curseur et initiateur de la Renaissance du Cinquecento, sur les épaules
duquel s’appuient Raphaël aussi bien que Michel-Ange; que Léonard
était, de presque une génération entière, l’aîné de ces artistes, qu’il
a été un pur Quattrocentiste. Bien plus : presque toutes ses œuvres,
au moins en ce qui touche leur conception et leur disposition, datent
d’avant l’année 1490, et la plupart même d’avant l’année 1482. Ainsi
sa carrière artistique devance la date des premières œuvres connues
de ses contemporains plus âgés, Perugin, Botticelli, Ghirlandajo, etc.;
ce qui rend a priori vraisemblable une influence de Léonard sur ces
talents bien inférieurs : influence que prouve en fait très clairement
la vue de leurs œuvres. D’autre part, cette précoce maturité du grand
artiste, son long séjour, en qualité d’assistant, dans l’atelier de son
maître Yerrocchio (en 1478, lorsque déjà Léonard avait plus de
28 ans, nous le voyons encore compagnon d’atelier de Yerrocchio)
rendent plus que probable une action en retour du génial élève sur
le maître, comme aussi une participation de l’élève aux travaux du
maître.
Ce point de vue fait disparaître tous les doutes que l’on a pu avoir
sur l’attribution à Léonard, comme œuvres de sa jeunesse, du Por-
trait de femme, de la collection Lichtenstein, à Yienne, des deux
Annonciations, celle du Louvre, attribuée à Lorenzo di Credi, et celle
des Uffizi, de la Vierge aux Rochers, inachevée, delà National Gallery.
C’est à ce point de vue aussi qu’il est possible et qu’il convient de
juger la Résurrection de Berlin.
Une chose nous choque, au premier coup d’œil, dans ce tableau, et
c’est la seule raison valable que l’on ait pour mettre en doute la