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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 3.1890

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Nr. 2
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Mantz, Paul: Watteau, 5
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https://doi.org/10.11588/diglit.24447#0150

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W AT TE AU.

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est évidente, et Watteau s’amuse de ce qu’il raconte. Une jeune fille,
aux yeux agrandis, à la mine affolée par une tendre inquiétude, tient
dans ses bras un chat qui est plus rageur que malade et auquel un
médecin, docteur échappé de la Comédie, tâte sérieusement le pouls.
L’œuvre est perdue et nous ne nous en consolons pas. L’éclairage des
figures et surtout le reflet qui baigne le visage de la jeune fille
donnent l’idée d’un groupe illuminé par une lumière artificielle. On
serait tenté de croire que, dans un état de la peinture, la main inoc-
cupée du médecin a dû tenir une chandelle qui expliquerait la qualité
des ombres et l’éclat mobile du rayon courant sur les chairs. Watteau
a beaucoup aimé ces effets de lumière à la Schalcken : nous en avons
déjà trouvé un exemple dans le Petit flûleur du cabinet de M. Groult.

Mais c’est surtout la lumière du jour que Watteau a aimée et
comprise. Ce goût pour les atmosphères transparentes et pour les
éclairages délicats lui vient de ses origines et de son culte pour le
maître adoré, Rubens. Sur ce point comme sur tant d’autres, il
apportait une séduction nouvelle, car les finesses de la lumière ne
préoccupaient pas beaucoup les maîtres de la vieillesse de Louis XIY.
Watteau fit réfléchir ses contemporains en mêlant la question du
rayon à la question du modelé, et, en proposant cette association
des deux éléments, il raisonna comme avait fait Corrège. Que l’on
se donne la peine de comparer les carnations de Santerre à celles de
Watteau, on verra quel progrès le maître de Valenciennes introduisait
dans la peinture et lequel des deux peintres devait comprendre et
diviniser les amoureuses.

Il y a un mot significatif, un mot du temps, dans la touchante
notice insérée par Antoine de la Roque, au Mercure d’août 1721, après
la mort de Watteau. Le maître y est vanté pour bien des raisons, et
entre autres parce que « la carnation de ses figures est animée et
douillette ». Cela veut dire que ses chairs ont de la morbidesse, et ce
mot, personne n’aurait songé à l’écrire à propos des carnations, en
bois, en cuir ou en pierre, dont les peintres de l’école officielle se
déclaraient alors satisfaits.

Ce résultat, nouveau pour la France, était obtenu par Watteau à
l’aide d’un faire gras, pastoso, qu’il a souvent pratiqué avec une
superbe sûreté de technique, et aussi grâce à la délicatesse des demi-
teintes et aux transparences du clair-obscur qu’il a fait jouer sur
les visages de ses enfants et de ses femmes. Les exemples sont
nombreux de ces victoires du pinceau que les maladroits ignoreront
toujours. Il me suffira de citer les tètes des petites filles dans la
 
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