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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 3.1890

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Nr. 5
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Courajod, Louis: Eugéne Piot et les objets d'art légués au musée du Louvre
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https://doi.org/10.11588/diglit.24447#0435

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398

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

l’histoire de l’art et à l’utilité d’une fonction sociale; enrégimenter
les collectionneurs sans prétentions scientifiques, les gens du monde,
libres de leur temps et armés d’un goût délicat, dans le bataillon des
défenseurs de l'art et des auxiliaires de la science; faire d’un senti-
ment jusque-là irraisonné et instinctif une doctrine véritable; en
pratiquer presque sans faiblesse les principes et les enseigner avec
une remarquable sûreté d’érudition. Telle fut l’œuvre d’Eugène
Piot.

Pour comprendre cette œuvre il faut auparavant se rendre
compte de ce qu’était la curiosité ou du moins un certain genre de
curiosité, au moment oû Piot en transforma le sentiment. La collec-
tion Sauvageot avait été longtemps l’idéal très peu souvent réalisé des
amateurs les plus zélés du temps de Louis-Philippe et du second
Empire. Composer des cabinets ressemblant de très loin à celui de
l’ancien artiste de l’orchestre de l’Opéra, ou n’en copiant que les
défauts, vivre au milieu d’objets de toute nature et de toute qualité,
pourvu qu’ils fussent différents de ceux de notre époque ou de notre
pays, respirer avec plaisir le vague parfum historique et ethnogra-
phique qui s’en dégage, collectionner indifféremment les émaux et
les ivoires du moyen âge, les cannes de Voltaire et les pipes de Jean-
Bart, les râpes à tabac des Stathouders de Hollande et les armes des
sauvages de l’Amérique, cela s’appelait avoir le goût du « bibelot »;
et, indépendamment des distractions que ce goût procure en lui-même,
l’affectation de ce goût suffisait à assurer une place à part et distin-
guée dans la bonnecompagnie. Cette conception spéciale de la curiosité
était un legs de l’autre siècle. On on avait seulement séparé la
conchyliologie, la botanique, la géologie, la physique et la chimie,
définitivement reléguées dans le domaine des sciences naturelles.
Pour un homme à la mode, do fortune indépendante mais n’ayant
hérité ni d’un trésor séculaire, ni d’un mobilier do famille, il s’agis-
sait, s’il voulait avoir bon air, do garnir ses salons de toutes sortes
de choses possédant un caractère piquant de rareté, la pointure, la
grande sculpture demeurant exclues et permises seulement aux
galeries princières, l’antiquité étant bannie à cause do ses prétentions
et de ses exigences scientifiques, le livre et l’estampe injustement
regardés comme suspects de pédantisme. A ce moment la Grüno-
Gewolbe de Dresde, la Schatzkammer de Vienne, l’ancien cabinet
des raretés de Berlin, toutes ces splendides collections publiques de
l'Europe, semblables par leur composition à l’ancien Garde-Meuble
des Rois de France, n’étaient pas encore entrées dans la voie scion-
 
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