LA JEUNESSE DE REMBRANDT.
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Gotha, mais cette fois allongé, affiné, plus élégant dans sa tenue,
avec une physionomie plus distinguée. Les traits, il est vrai, n’ont
rien de régulier; mais les lèvres humides semblent près de s’ouvrir,
les yeux petits, ombragés par des sourcils proéminents, regardent
avec une assurance ingénue et entre eux le front porte déjà ce pli
vertical qu’avec l’àge, les habitudes de vision du peintre y creuseront
de plus en plus. Ainsi dégagée, coiffée de cette épaisse chevelure qui
se joue en mèches capricieuses sur son front et retombe flottante sur
ses épaules, cette tête d’adolescent est charmante de santé, de naturel
et de bonne grâce. Elle respire la volonté, l’intelligence, avec je ne
sais quel air d’autorité qui explique l’ascendant que de bonne heure
le jeune artiste était appelé à prendre sur ses contemporains.
En même temps que ces peintures, Rembrandt avait évidemment
exécuté de nombreux dessins, mais qui, par malheur, sont pour la
plupart perdus ou dispersés à travers les collections sous de fausses
attributions. Très peu nous ont été conservés. L’un d’eux est une
esquisse au crayon noir appartenant au Musée de Hambourg et
représentant, avec un effet de lumière très vif, une tête de jeune
homme qui nous paraît ressembler à Rembrandt lui-même. Un autre,
au British Muséum, fait à l’encre de Chine, en quelques coups de
pinceau, nous montre encore le jeune artiste vêtu d’une tunique à
brandebourgs, et il a servi pour l’exécution d’une eau-forte datée
de 1629.
Rembrandt, du reste, à ce moment ne se contentait pas de dessiner
et de peindre; mais, presque en même temps que ses premières pein-
tures (1627), ses premiers essais de gravure apparaissent dans son
œuvre, dès 1628. Comme dans ses tableaux, il ne cessait pas dans ses
gravures de se prendre pour modèle et de poursuivre sur lui-même
des expériences qu’il jugeait profitables à son instruction. Pendant
toute sa carrière, il ne se lassera jamais de renouveler ces tentatives.
Plus libre encore qu’avec ses proches, il sait qu’il peut ainsi varier
à la fois mieux ses études et s’abandonner, à son gré, à toutes ses
fantaisies. Ce sont, en effet, plutôt des études que des portraits qu’il se
propose de faire et la ressemblance n’est point d’ordinaire ce qu’il
cherche. Aussi trouverons-nous entre ces divers essais, suivant le but
qu’il a voulu atteindre, des différences assez marquées. Le type très
caractérisé de l’artiste reste cependant trop accusé pour qu’il soit
possible de le méconnaître. Rien qu’en 1630 et 1631, nous ne comptons
pas moins de vingt eaux-fortes qui nous offrent son image. Celles-ci
avaient été précédées par une planche qui, avec son monogramme
(II. — 3' PÉRIODE. 53
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Gotha, mais cette fois allongé, affiné, plus élégant dans sa tenue,
avec une physionomie plus distinguée. Les traits, il est vrai, n’ont
rien de régulier; mais les lèvres humides semblent près de s’ouvrir,
les yeux petits, ombragés par des sourcils proéminents, regardent
avec une assurance ingénue et entre eux le front porte déjà ce pli
vertical qu’avec l’àge, les habitudes de vision du peintre y creuseront
de plus en plus. Ainsi dégagée, coiffée de cette épaisse chevelure qui
se joue en mèches capricieuses sur son front et retombe flottante sur
ses épaules, cette tête d’adolescent est charmante de santé, de naturel
et de bonne grâce. Elle respire la volonté, l’intelligence, avec je ne
sais quel air d’autorité qui explique l’ascendant que de bonne heure
le jeune artiste était appelé à prendre sur ses contemporains.
En même temps que ces peintures, Rembrandt avait évidemment
exécuté de nombreux dessins, mais qui, par malheur, sont pour la
plupart perdus ou dispersés à travers les collections sous de fausses
attributions. Très peu nous ont été conservés. L’un d’eux est une
esquisse au crayon noir appartenant au Musée de Hambourg et
représentant, avec un effet de lumière très vif, une tête de jeune
homme qui nous paraît ressembler à Rembrandt lui-même. Un autre,
au British Muséum, fait à l’encre de Chine, en quelques coups de
pinceau, nous montre encore le jeune artiste vêtu d’une tunique à
brandebourgs, et il a servi pour l’exécution d’une eau-forte datée
de 1629.
Rembrandt, du reste, à ce moment ne se contentait pas de dessiner
et de peindre; mais, presque en même temps que ses premières pein-
tures (1627), ses premiers essais de gravure apparaissent dans son
œuvre, dès 1628. Comme dans ses tableaux, il ne cessait pas dans ses
gravures de se prendre pour modèle et de poursuivre sur lui-même
des expériences qu’il jugeait profitables à son instruction. Pendant
toute sa carrière, il ne se lassera jamais de renouveler ces tentatives.
Plus libre encore qu’avec ses proches, il sait qu’il peut ainsi varier
à la fois mieux ses études et s’abandonner, à son gré, à toutes ses
fantaisies. Ce sont, en effet, plutôt des études que des portraits qu’il se
propose de faire et la ressemblance n’est point d’ordinaire ce qu’il
cherche. Aussi trouverons-nous entre ces divers essais, suivant le but
qu’il a voulu atteindre, des différences assez marquées. Le type très
caractérisé de l’artiste reste cependant trop accusé pour qu’il soit
possible de le méconnaître. Rien qu’en 1630 et 1631, nous ne comptons
pas moins de vingt eaux-fortes qui nous offrent son image. Celles-ci
avaient été précédées par une planche qui, avec son monogramme
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