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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 3.1890

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Nr. 6
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Albert, Maurice: Le salon de 1890 aux Champs-Élysées, [1], Peinture
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https://doi.org/10.11588/diglit.24447#0505

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LE SALON DES CHAMPS-ELYSÉES.

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tous, à quelque degré, comme aussi d’ailleurs la famille même de
M. Jules Breton, participent de l’excellence paternelle.

C’est arriver aux paysages proprement dits que de passer de
M. Jules à M. Émile Breton, dont les deux paysages nocturnes sont
d’une tonalité douce que relève une pointe d’étrangeté, indiquée par
ces deux morceaux de lune, inégalement coupés et trop invraisem-
blables pour n’ètre pas vrais. Paysage aussi, les Brûleuses d’Iierbes de
M. Adan. C’est en septembre; les récoltes sont terminées; dans le
lointain, une charrue tirée par deux forts chevaux prépare le champ
pour les semailles prochaines; et cependant, au premier plan, des
femmes ont allumé de grands tas d’herbes sèches, — dépouilles de
haricots et de pommes de terre —, et de leurs longues fourches elles
attisent ces feux. La fumée monte en tourbillons dans l’air léger; il
semble que l’on hume à pleines narines l’odeur particulière qu’exha-
lent, en se consumant, ces herbes des champs : c’est un délice.

Reposons-nous longtemps et délicieusement près du Ruisseau, de
M. Davis. A mesure qu’on regarde ce beau paysage, l’œil semble de
plus en plus reculer l’horizon. Cette plaine, coupée au milieu par un
ruisseau, et que vient de quitter la dernière lueur du couchant, est
d’une profondeur singulière. L’effet général, d’une monotonie voulue,
est extrêmement vrai. Le ciel est éteint, plus rien ne brille, mais la
nuit n’est pas venue encore, et les objets ont gardé leurs couleurs,
plus douces seulement, et comme estompées. C’est l’heure où tous les
bruits s’éteignent, où toute la terre semble assoupie, où, pour parler
le langage de Dante, cet autre peintre, « le jour s’en va et l’air bruni
arrache à leurs fatigues toutes les créatures de la terre,

Lo giorno son’ andava, e l’aer bruno
Toglicva gli animai che son in terra
Deile fatiche loro. »

Très beaux également, empreints d’une poésie mélancolique, les
deux paysages de M. Georges Diéterle, celui-ci surtout : Une lande
immense; au milieu un troupeau de moutons que le berger ramène
au bercail, et répandue sur le tout, une douce clarté reposante. C’est
simple, c’est grand, c’est triste, mais d’une tristesse apaisée, comme
la résignation qui vient après une grande douleur. Et quoi, en effet,
de plus résigné qu’un berger? Cet homme passe sa vie entière dans
une lande déserte; pour toute société il a ses moutons, animaux,
comme on sait, essentiellement bêtes, et son chien, ami fidèle, certes,
mais muet, et toujours affairé autour du troupeau. Que se passe-t-il
 
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