UN NOUVEAU MEMLING.
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Du reste, la curiosité de l’artiste était universelle; chacune de ses
compositions est comme un véritable musée, où il a pris soin de réunir
les objets les plus précieux et les plus variés de la nature ou de
l’industrie humaine : fleurs, plantes, animaux de toute espèce, tapis-
series, étoffes magnifiques, armes, bijoux, marbres, etc., tous repro-
duits par lui avec une perfection qui n’a pas été dépassée, « la main,
ainsi que le dit Fromentin *, n’étant occupée qu’à faire sentir le luxe
et la beauté de la matière, par le luxe et la beauté du travail ».
Avec plus de raison, selon nous, M. Wauters — à propos d’un
grand triptyque appartenant aujourd’hui à M. Charles Stein à Paris
et qu’il a très justement attribué à Memling — insiste sur la place
importante que la musique tient dans ses œuvres, car on pourrait,
en les examinant avec soin, reconstituer la composition de l’orchestre
au temps où il vivait. Harpes, flûtes, vielles, psaltérions, petites
orgues portatives, trompettes des formes les plus variées, nous retrou-
vons, en effet, ces divers instruments entre les mains des beaux
anges revêtus de chapes ou de dalmatiques sacerdotales, nobles et
délicieuses créatures, aux traits ingénus, aux fronts purs, aux che-
veux finement ondulés, qui accompagnent de leurs accords les chants
d’autres anges, respectueusement groupés autour de la cour céleste.
Cet amour passionné de la musique est encore une nouvelle simi-
litude qu’il nous offre avec Angélique de Fiésole et Stephan Lochner.
Il complète laphysionomiecharmantedeMemling, en même temps qu’il
nous donne l’idée de cette merveilleuse floraison de tous les arts qui
faisait alors de Bruges un centre incomparable de haute culture et
deluxe intelligent, l’école musicale qui s’y était développée devant,
de là, rayonner dans toute l’Europe.
C’est dans ce cadre mélancolique de la vieille ville qu’on aime à
replacer le noble artiste, au milieu du délaissement de ces rues soli-
taires, envahies par l’herbe, ou le long de ces canaux silencieux
dont l’eau tranquille reflète les briques noirâtres, les pignons aigus
et les tourelles de ses paisibles demeures et de ses monuments. Le
commerce, la vie, et avec eux la richesse, se sont retirés de l’an-
tique cité. Mais si déchue qu’elle soit de sa splendeur primitive,
avec sa piété intacte, ses confréries nombreuses, ses églises et ses
chapelles fréquentées, elle a conservé cette couronne d’art que lui
a faite un maître dont l’œuvre entière n’est qu’un poème d’adoration
et de fervente prière. Tout ici nous parle de lui, de sa vie régulière, 1
1. Les Maîtres d’autrefois, p. 436.
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Du reste, la curiosité de l’artiste était universelle; chacune de ses
compositions est comme un véritable musée, où il a pris soin de réunir
les objets les plus précieux et les plus variés de la nature ou de
l’industrie humaine : fleurs, plantes, animaux de toute espèce, tapis-
series, étoffes magnifiques, armes, bijoux, marbres, etc., tous repro-
duits par lui avec une perfection qui n’a pas été dépassée, « la main,
ainsi que le dit Fromentin *, n’étant occupée qu’à faire sentir le luxe
et la beauté de la matière, par le luxe et la beauté du travail ».
Avec plus de raison, selon nous, M. Wauters — à propos d’un
grand triptyque appartenant aujourd’hui à M. Charles Stein à Paris
et qu’il a très justement attribué à Memling — insiste sur la place
importante que la musique tient dans ses œuvres, car on pourrait,
en les examinant avec soin, reconstituer la composition de l’orchestre
au temps où il vivait. Harpes, flûtes, vielles, psaltérions, petites
orgues portatives, trompettes des formes les plus variées, nous retrou-
vons, en effet, ces divers instruments entre les mains des beaux
anges revêtus de chapes ou de dalmatiques sacerdotales, nobles et
délicieuses créatures, aux traits ingénus, aux fronts purs, aux che-
veux finement ondulés, qui accompagnent de leurs accords les chants
d’autres anges, respectueusement groupés autour de la cour céleste.
Cet amour passionné de la musique est encore une nouvelle simi-
litude qu’il nous offre avec Angélique de Fiésole et Stephan Lochner.
Il complète laphysionomiecharmantedeMemling, en même temps qu’il
nous donne l’idée de cette merveilleuse floraison de tous les arts qui
faisait alors de Bruges un centre incomparable de haute culture et
deluxe intelligent, l’école musicale qui s’y était développée devant,
de là, rayonner dans toute l’Europe.
C’est dans ce cadre mélancolique de la vieille ville qu’on aime à
replacer le noble artiste, au milieu du délaissement de ces rues soli-
taires, envahies par l’herbe, ou le long de ces canaux silencieux
dont l’eau tranquille reflète les briques noirâtres, les pignons aigus
et les tourelles de ses paisibles demeures et de ses monuments. Le
commerce, la vie, et avec eux la richesse, se sont retirés de l’an-
tique cité. Mais si déchue qu’elle soit de sa splendeur primitive,
avec sa piété intacte, ses confréries nombreuses, ses églises et ses
chapelles fréquentées, elle a conservé cette couronne d’art que lui
a faite un maître dont l’œuvre entière n’est qu’un poème d’adoration
et de fervente prière. Tout ici nous parle de lui, de sa vie régulière, 1
1. Les Maîtres d’autrefois, p. 436.