LES SALONS DE 1895
(deuxième article1.)
III
« Nous vivons dans un temps étrange, au milieu d'inexplicables
contrastes. Le mal et le bien sont partout: il n’est pas un instant du
jour où nous n’ayons sujet de perdre ou de prendre courage,
d'espérer ou de désespérer. Pour parler de la peinture, n’est-elle pas
tout à la fois en progrès et en déclin? Au Salon, cette Bourse des
peintres, la décadence est visible. C’est le métier qui triomphe ;
l’esprit, le talent, l’adresse se prostituent, à qui mieux mieux, aux
exigences de la mode et aux caprices de l’argent. L’enthousiasme et
les couronnes vont de droit au procédé, à la manière, au faire de
convention, à de plates réalités mesquinement traduites, tantôt par
un imperceptible pinceau, tantôt par une brosse gigantesque. Qu’es-
pérer d’un tel art ou d'une telle industrie? » C’est le sage Yitet qui
s’emporte de la sorte et émet ces plaintes virulentes. On les pour-
rait encore ouïr aujourd’hui, tant elles n’ont rien perdu, après
quarante années, de leur justesse et de leur opportunité. Mais l'his-
torien ne veut pas, en fin de compte, qu’un doute alarmant plane sur
les destinées de l’école nationale. Sa censure trouve ailleurs les
compensations nécessaires: il prend à témoin de la vitalité de notre
génie les murailles fraîchement parées des palais et des temples. Là,
1. Voir Gazette des Beaux-Arts, 3e pér., t. XIII, p. 333.
XIII. — 3e PÉRIODE.
36
(deuxième article1.)
III
« Nous vivons dans un temps étrange, au milieu d'inexplicables
contrastes. Le mal et le bien sont partout: il n’est pas un instant du
jour où nous n’ayons sujet de perdre ou de prendre courage,
d'espérer ou de désespérer. Pour parler de la peinture, n’est-elle pas
tout à la fois en progrès et en déclin? Au Salon, cette Bourse des
peintres, la décadence est visible. C’est le métier qui triomphe ;
l’esprit, le talent, l’adresse se prostituent, à qui mieux mieux, aux
exigences de la mode et aux caprices de l’argent. L’enthousiasme et
les couronnes vont de droit au procédé, à la manière, au faire de
convention, à de plates réalités mesquinement traduites, tantôt par
un imperceptible pinceau, tantôt par une brosse gigantesque. Qu’es-
pérer d’un tel art ou d'une telle industrie? » C’est le sage Yitet qui
s’emporte de la sorte et émet ces plaintes virulentes. On les pour-
rait encore ouïr aujourd’hui, tant elles n’ont rien perdu, après
quarante années, de leur justesse et de leur opportunité. Mais l'his-
torien ne veut pas, en fin de compte, qu’un doute alarmant plane sur
les destinées de l’école nationale. Sa censure trouve ailleurs les
compensations nécessaires: il prend à témoin de la vitalité de notre
génie les murailles fraîchement parées des palais et des temples. Là,
1. Voir Gazette des Beaux-Arts, 3e pér., t. XIII, p. 333.
XIII. — 3e PÉRIODE.
36