L’ART VÉNITIEN A LONDRES, A PROPOS DE L’EXPOSITION
DE LA NEW G A L L E R Y 1
III
ers la fin de sa vie, Giovanni Bellini avait le bonheur
de voir ses élèves devenir de grands maîtres qui
devaient propager la gloire de son école non seule-
ment en Italie, mais dans l’Europe entière. Quatre
surtout d’entre eux ont paru dignes d’être classés
parmi les plus grands : Giorgione, Titien, Sebastiano
Luciani dit del Piombo et Palma Vecchio.
L’Angleterre, si riche en peintures vénitiennes, ne
possède probablement qu’un Giorgione, le Berger
tenant une flûte, de la Galerie Royale de Hampton
Court, qui figure à l'Exposition (n° 112) 2. Nous
sommes heureux d'offrir à nos lecteurs une reproduction de cette œuvre peu connue
qui rend toute description superflue. Les mots d’ailleurs ne sauraient rendre la
beauté simple et douce de cette tête. On n'y retrouve pas la facture connue du
maître : la touche est très moelleuse, sans contours nets, le contraste de la lumière
et de l'ombre est à peu près nul, et les couleurs employées sont plus que simples :
blanche la chemise, avec ce petit morceau d'étoffe bleu gris sur l’épaule droitei
d'un effet superbe à côté du ton rougeâtre de la face qu’entourent des boucles d'un
blond cendré. Cette tête est empreinte d'un charme de poésie élégiaque, inconnu
aux prédécesseurs de Giorgione et trop vite oublié par ceux qui le suivront. La
technique, le sujet et les dimensions de ce tableau (la tête est plus grande que
nature) n’étant pas ordinaires chez le maître de Castelfranco, d’aucuns lui contestent
la paternité de l’œuvre. Remarquons cependant que la facture de l’étoffe rappelle
tout à fait le drap blanc de la Vénus de Dresde, et que la main du berger a la
même structure que celle du Chevalier cle Malte des Offices de Florence. De plus
1. Voir Gazette des Beaux-Arts, 3e pér., t. XIII, p. 161 et 216.
2. Pour l’histoire du tableau, voir : E. Law, Historical Catalogue oj the Pictures of
Hampton Court (1881), p. 32. Une fine appréciation du tableau dans : The Guide to the
Italian Pictures at Hampton Court, by Mary Logan (London, 1891), p. 12 et suiv.
DE LA NEW G A L L E R Y 1
III
ers la fin de sa vie, Giovanni Bellini avait le bonheur
de voir ses élèves devenir de grands maîtres qui
devaient propager la gloire de son école non seule-
ment en Italie, mais dans l’Europe entière. Quatre
surtout d’entre eux ont paru dignes d’être classés
parmi les plus grands : Giorgione, Titien, Sebastiano
Luciani dit del Piombo et Palma Vecchio.
L’Angleterre, si riche en peintures vénitiennes, ne
possède probablement qu’un Giorgione, le Berger
tenant une flûte, de la Galerie Royale de Hampton
Court, qui figure à l'Exposition (n° 112) 2. Nous
sommes heureux d'offrir à nos lecteurs une reproduction de cette œuvre peu connue
qui rend toute description superflue. Les mots d’ailleurs ne sauraient rendre la
beauté simple et douce de cette tête. On n'y retrouve pas la facture connue du
maître : la touche est très moelleuse, sans contours nets, le contraste de la lumière
et de l'ombre est à peu près nul, et les couleurs employées sont plus que simples :
blanche la chemise, avec ce petit morceau d'étoffe bleu gris sur l’épaule droitei
d'un effet superbe à côté du ton rougeâtre de la face qu’entourent des boucles d'un
blond cendré. Cette tête est empreinte d'un charme de poésie élégiaque, inconnu
aux prédécesseurs de Giorgione et trop vite oublié par ceux qui le suivront. La
technique, le sujet et les dimensions de ce tableau (la tête est plus grande que
nature) n’étant pas ordinaires chez le maître de Castelfranco, d’aucuns lui contestent
la paternité de l’œuvre. Remarquons cependant que la facture de l’étoffe rappelle
tout à fait le drap blanc de la Vénus de Dresde, et que la main du berger a la
même structure que celle du Chevalier cle Malte des Offices de Florence. De plus
1. Voir Gazette des Beaux-Arts, 3e pér., t. XIII, p. 161 et 216.
2. Pour l’histoire du tableau, voir : E. Law, Historical Catalogue oj the Pictures of
Hampton Court (1881), p. 32. Une fine appréciation du tableau dans : The Guide to the
Italian Pictures at Hampton Court, by Mary Logan (London, 1891), p. 12 et suiv.