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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 13.1895

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Nr. 2
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Dukas, Paul: Chronique Musicale
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https://doi.org/10.11588/diglit.24666#0185

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CHRONIQUE MUSICALE

LA MESSE EN « SI MINEUR » DE J.-S. BACH

La grande œuvre que vient de faire réentendre ia Société des concerts du
Conservatoire est de celles qui, par leur splendeur, découragent l’analyse et
la critique. Cette messe en « si mineur » est vraiment, avec la Passion selon saint
Mathieu, le fleuron le plus magnifique de la couronne de gloire du grand Bach. Et
s'il nous faut désespérer de définir avec des mots les impressions directes qu'elle
suggère, du moins pouvons-nous tenter de développer ici quelques aperçus au
sujet de sa signification, en montrant par quels points elle se rattache, d'une part,
à l’art du passé dont elle est le nécessaire et le plus riche épanouissement, de l'autre
à l’art de notre temps dont elle contient déjà les plus hautes promesses.

Si l’on regardait, en effet, la messe en « si mineur » comme une apparition
isolée dans l’histoire de la musique, on n’éprouverait qu’une sorte d’effroi devant un
phénomène aussi déconcertant que celui-ci. L’œuvre de Bach semblerait non seule-
ment ce qu’elle est, l'expression achevée de toute une époque d’art et comme
la plus haute parole proférée par cette époque, mais plus encore, c’est-à-dire la
création soudaine, ex nihilo, de cet art tout entier, dans ses moyens matériels
et dans leur appropriation. Cette inconcevable dérogation à toutes les lois de
formation artistique ne s’est pas davantage produite pour Bach et la musique, on
le conçoit, que pour tout autre art et tout autre génie. Mais on peut dire qu’en
vérité, le soleil de Bach surgi, il absorba avec tant de force, en de si puissants ruis-
sellements de lumière, l'incertaine clarté de l’art d’avant son lever, que la lueur
s’en perdit dans son rayonnement et. qu’il nous est difficile à présent de déter-
miner avec précision quelle part de la gloire de Bach ses prédécesseurs auraient
droit de revendiquer.

Nous savons cependant, par l’étude des maîtres antérieurs à Bach, que la musique
était, avant la venue de ce dernier, arrivée à un degré remarquable de
perfection matérielle et que Bach trouva les arts du contrepoint à leur période
extrême de développement chez beaucoup doses prédécesseurs, dont le plus illustre,
Henri Schütz (1585-1672) , avait déjà su les ployer à un but expressif et
personnel. On ne peut donc dire que ce soit Bach qui, le premier, ait mis en œuvre
d’une manière caractéristique les ressources du contrepoint. On ne peut non
plus affirmer qu'il les ait matériellement accrues, puisqu'avant lui nous trouvons
déjà, sans redescendre jusqu’à Schütz, chez les contrepointistes flamands, italiens
et allemands, des exemples de science technique achevée. Ce qui fait en
propre l'originalité de Bach, par rapport au passé, c’est la façon hardie dont il
façonna ces ressources techniques, c’est la physionomie nouvelle qu’il sut
donner à des formules jusqu’à lui presque toujours sèches et roides, c’est surtout la
vie expressive dont il sut animer la lourde machine scolastique. On écrivait
 
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