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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 13.1895

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Nr. 1
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Yriarte, Charles: Isabelle d'Este et les artistes de son temps, 1, Les origines, ses tendances, ses portraits
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https://doi.org/10.11588/diglit.24666#0026

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48

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

quatrième marquis, faisait son entrée dans la ville de Mantoue.

La fiancée était venue par le Pô, à bord d’un bucentaure doré,
présent de son père, flanqué de quatre autres bucentaures qui
portaient les seigneurs et les dames de Ferrare; l’escorte se composait
de cinquante et un bateaux plats. Le marquis de Mantoue, Jean-
François, attendait la jeune princesse à la porte Predella; les fêtes
du mariage durèrent huit jours; les trois premiers furent consacrés
aux joutes, aux luttes, aux courses et aux tournois, les autres aux
représentations théâtrales, aux tableaux vivants et aux déclama-
tions sur les places publiques. Aux diverses stations du cortège, devant
la P-usterla, devant l'église San-Andrea de l’Alberti, et sur la place
San-Pietro, des jeunes filles, sous les traits d’anges, récitaient des
épithalames et des poésies en langue latine, le soir toute la ville
s’embrasait et les nuits étaient consacrées à la danse. La fiancée
n’avait eu qu’à paraître; elle avait pour elle sa tendre jeunesse unie
à la beauté, et son illustre origine ; tous les seigneurs de la cour
de Mantoue, qui l’avaient connue jeune fille à Ferrare et la savaient
de longue main promise à leur souverain, lui avaient fait déjà, flans
la noblesse de la ville et dans toute la province, une réputation de
vive intelligence et de précocité rare.

L’époux, Jean-François, avait vingt-quatre ans ; ce n’était pas
encore le grand condottiere dont Venise, Naples et Milan allaient
se disputer l’épée, mais il régnait depuis quatre années déjà,
il avait commandé les troupes de la sérénissime, et on célébrait sa
vaillance, sa générosité et son audace. Personne ne le surpassait
comme cavalier et ne pouvait le vaincre dans la lutte; il souffrait
difficilement qu’un de ses sujets, quelle que fût son extraction, eût
une réputation supérieure à la sienne dans les combats singuliers,
et on le voyait sous le masque, mêlé à la feule, défier les vainqueurs
et les amener à merci. Dans les temps de paix, Jean-François évo-
quait l’image de la guerre et quittait souvent sa capitale pour aller
vivre à l’air libre. Indifférent aux éléments, il poursuivait Fours et
le sanglier, dormait sur la dure au milieu de rudes compagnons ; le
peuple, qui admire la force, avait été séduit. A peine au pouvoir, le
prince avait d’ailleurs donné des preuves de sa bonté pour les hum-
bles,de son bon sens et de sa générosité, et montré les vertus d’un
souverain. Quelques-uns de ses édits, empreints d’une rare bonhomie
et de belle humeur, devaient tout d’abord lui concilier la faveur des
humbles. C’est lui qui allait doter les monts-de-piété, constituer des
fonds de réserve pour les années de famine dont Mantoue avait tant
 
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