MARCELLIN DESBOUTIN.
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toujours calme, méditative, immobile, avec quelque chose de figé et
de presque hiératique. A voir les toiles majestueuses d’un Yan Dyck,
par exemple, on devine qu’il a eu devant lui des modèles qui prenaient
d’instinct, dans son atelier, la pose qu’ils avaient dans la vie. Eût-il
voulu les voir autrement, plus libres, plus abandonnés, il n'aurait
pu ; et il n’avait, en somme, qu’à les copier tels quels pour les rendre
aussi complètement et aussi fidèlement que possible. Le portraitiste
PORTRAIT DE M. J.
CLARET1E, MEMBRE DE L’ACADÉMIE FRANÇAISE.
moderne, au contraire, a pour modèles des gens du monde, des gens
de lettres ou d’affaires, extrêmement occupés, qui lui marchandent
leurs séances, et dont les attitudes dans la vie ne ressemblent jamais
aux poses de l’atelier. S’il se contente de les asseoir dans un fauteuil
ou de les mettre debout devant son chevalet, il ne les connaîtra pas
et ne les fera pas connaître. Il faut qu’il les voie exister; et quand il
les a compris, quand il a saisi sur leur front, dans leurs yeux, dans
les plis de leurs lèvres, dans les gestes qu’ils ébauchent et n’achèvent
pas toujours, le passage des fugitives pensées si nombreuses et si con-
oc
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toujours calme, méditative, immobile, avec quelque chose de figé et
de presque hiératique. A voir les toiles majestueuses d’un Yan Dyck,
par exemple, on devine qu’il a eu devant lui des modèles qui prenaient
d’instinct, dans son atelier, la pose qu’ils avaient dans la vie. Eût-il
voulu les voir autrement, plus libres, plus abandonnés, il n'aurait
pu ; et il n’avait, en somme, qu’à les copier tels quels pour les rendre
aussi complètement et aussi fidèlement que possible. Le portraitiste
PORTRAIT DE M. J.
CLARET1E, MEMBRE DE L’ACADÉMIE FRANÇAISE.
moderne, au contraire, a pour modèles des gens du monde, des gens
de lettres ou d’affaires, extrêmement occupés, qui lui marchandent
leurs séances, et dont les attitudes dans la vie ne ressemblent jamais
aux poses de l’atelier. S’il se contente de les asseoir dans un fauteuil
ou de les mettre debout devant son chevalet, il ne les connaîtra pas
et ne les fera pas connaître. Il faut qu’il les voie exister; et quand il
les a compris, quand il a saisi sur leur front, dans leurs yeux, dans
les plis de leurs lèvres, dans les gestes qu’ils ébauchent et n’achèvent
pas toujours, le passage des fugitives pensées si nombreuses et si con-
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