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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
tenant à M. van Wede van Dyckveld, mérite à coup sur d’être compté
pour un des plus parfaits spécimens de cette époque du maître et le
dispute presque à la « femme à l’éventail », ce joyau de la galerie de
Buckingham Palace. Il a été vu précédemment à Bruxelles et à La
Haye, et ne pouvait que retrouver à Utrecht la même admiration.
Jean Steen, peintre de sujets bibliques, cela se voit, mais non
fréquemment. Le Musée de Cologne possède depuis peu l’admirable
Sctmson qui est probablement de toutes lescréations analogues du grand
peintre, le morceau capital. Les Disciples d’Einmaüs (à M. Declercq,
d’Amsterdam), de facture moins magistrale, n’en constitue pas moins
une page bien digne de son auteur. L’interprétation offre quelque
analogie avec le même sujet traité par Rembrandt. Le repas vient
d’avoir lieu sous une tonnelle; les disciples se sont assoupis et le
Christ dont le siège reste vide n’est plus déjà qu’une ombre impal-
pable. Cette conception intéressante se rehausse de tout l’attrait
d’un pinceau extraordinairement libre et coloré.
Quoi de mieux fait pour caractériser la marche de l’Ecole hollan-
daise au cours du xvne siècle que le rapprochement de cette belle
page avec le même sujet interprété par le pinceau d’Abraham
Bloemaert, plein de la froide conscience qui caractérise ses oeuvres ?
Ce grand tableau, un effet de lumière exposé par M. Eyckelbosch, de
Bruxelles, porte la date de 1622. Il est certain que si Bloemaert tient
le pinceau, Michel-Ange de Caravage dirige la main et, chose assez
étrange, Rubens dans son tableau du palais d’Albe, à Madrid, n’échappe
pas au même reproche.
Aussi bien, de Bloemaert à Steen, il y avait place pour Nicolas
Knupfer, élève de l’un, maître de l’autre. La Nuit de noces du jeune
Tobie (à M. Bredius), où les nouveaux époux sont en prière près de
leur couche semée de fleurs, est un petit chef-d’œuvre de délicatesse
et d’intimité. Il y a là le souvenir d’Elsheimer et le présage de
Jean Steen.
Le portrait par lui-même d’Adrien Hanneman, à la Société Rem-
brandt, d’Amsterdam, est d’intérêt considérable. Daté de 1656, il
montre le souvenir déjà grandement atténué de Van Dyck chez le
plus habile de ses imitateurs. Peu de caractère dans cette tète rousse
et bouffie. Mais le pinceau est adroit et pourra mettre joliment
à l’épreuve la sagacité des critiques en quête d’œuvres de Tan Dyck1.
Pour ceux que la chose intéresse, le Musée de South Kensington possède un
excellent portrait de Hanneman, par lui-même, dessiné au crayon de couleur.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
tenant à M. van Wede van Dyckveld, mérite à coup sur d’être compté
pour un des plus parfaits spécimens de cette époque du maître et le
dispute presque à la « femme à l’éventail », ce joyau de la galerie de
Buckingham Palace. Il a été vu précédemment à Bruxelles et à La
Haye, et ne pouvait que retrouver à Utrecht la même admiration.
Jean Steen, peintre de sujets bibliques, cela se voit, mais non
fréquemment. Le Musée de Cologne possède depuis peu l’admirable
Sctmson qui est probablement de toutes lescréations analogues du grand
peintre, le morceau capital. Les Disciples d’Einmaüs (à M. Declercq,
d’Amsterdam), de facture moins magistrale, n’en constitue pas moins
une page bien digne de son auteur. L’interprétation offre quelque
analogie avec le même sujet traité par Rembrandt. Le repas vient
d’avoir lieu sous une tonnelle; les disciples se sont assoupis et le
Christ dont le siège reste vide n’est plus déjà qu’une ombre impal-
pable. Cette conception intéressante se rehausse de tout l’attrait
d’un pinceau extraordinairement libre et coloré.
Quoi de mieux fait pour caractériser la marche de l’Ecole hollan-
daise au cours du xvne siècle que le rapprochement de cette belle
page avec le même sujet interprété par le pinceau d’Abraham
Bloemaert, plein de la froide conscience qui caractérise ses oeuvres ?
Ce grand tableau, un effet de lumière exposé par M. Eyckelbosch, de
Bruxelles, porte la date de 1622. Il est certain que si Bloemaert tient
le pinceau, Michel-Ange de Caravage dirige la main et, chose assez
étrange, Rubens dans son tableau du palais d’Albe, à Madrid, n’échappe
pas au même reproche.
Aussi bien, de Bloemaert à Steen, il y avait place pour Nicolas
Knupfer, élève de l’un, maître de l’autre. La Nuit de noces du jeune
Tobie (à M. Bredius), où les nouveaux époux sont en prière près de
leur couche semée de fleurs, est un petit chef-d’œuvre de délicatesse
et d’intimité. Il y a là le souvenir d’Elsheimer et le présage de
Jean Steen.
Le portrait par lui-même d’Adrien Hanneman, à la Société Rem-
brandt, d’Amsterdam, est d’intérêt considérable. Daté de 1656, il
montre le souvenir déjà grandement atténué de Van Dyck chez le
plus habile de ses imitateurs. Peu de caractère dans cette tète rousse
et bouffie. Mais le pinceau est adroit et pourra mettre joliment
à l’épreuve la sagacité des critiques en quête d’œuvres de Tan Dyck1.
Pour ceux que la chose intéresse, le Musée de South Kensington possède un
excellent portrait de Hanneman, par lui-même, dessiné au crayon de couleur.