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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 13.1895

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Ritter, William: Allemagne, Pologne et Italie: correspondance de l'étranger
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https://doi.org/10.11588/diglit.24666#0073

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G4

GAZETTE DES DEAUX-AIITS.

chargé d'œuvres et d’années, a été sans égal; nous y applaudissons d’autant plus
volontiers qu’aucun artiste ne s’est jamais moins soucié de la réclame, n'a fait preuve
d’autant de désintéressement et s’est moins préoccupé de faire valoir ses œuvres.
Aussi a-t-il été toute sa vie la proie des trafiquants... Il vient de se donner la
satisfaction d’une petite malice. On sait que ses débuts ont été extrêmement durs
et qu’il fut d’abord combattu, méconnu et conspué parmi les siens comme seuls
Delacroix et Courbet, Schubert, Beethoven et Wagner l’ont été. Or, cette année,
invité à exposer aux deux Salons de Munich, il a envoyé à la Sécession (le Champ-
de-Mars allemand qui, pas plus que l’Exposition française correspondante, ne
décerne de récompenses) huit tableaux de dates diverses, mais inédits en ce sens
que Bôcklin n’avait pas voulu jusqu’ici les livrer à l'incompréhension probable du
gros public. En revanche, il a envoyé à l'exposition officielle du Palais de Cristal
deux seuls tableaux, mais lesquels? — ceux-là même qui lui avaient été refusés
il y a quelques années à ce même Salon. Le jury de Munich s’en est tiré avec
esprit. 11 a décidé à l’unanimité, et un peu poussé par l'immense acclamation du
public, de n’attribuer cette année-ci qu'une unique médaille d’honneur et de la
décerner à Bôcklin. Et je suis bien sur que si l'on faisait à l'heure actuelle en
Allemagne un plébiscite pour élire le peintre qui représente le mieux les tendances
de Part allemand moderne, des Alpes à la Baltique ce ne serait qu’un cri pour
proclamer le Suisse Bôcklin. Depuis Menzel, je crois que jamais sur aucun nom ne
s'est encore concentrée en aucun pays une telle unanimité d’opinion, aussi bien des
délicats et des rares esprits d'élite que du gros public.

Les huit tableaux de Bôcklin à la Sécession résument à peu près les diverses
tendances de son œuvre : paysage classique, scènes fantastiques de la mythologie
terrestre et maritime, peinture religieuse, à commencer par deux paysages avec
figures, l'un de -1856, l’autre un peu ultérieur. Le premier: un bouquet d’arbres
ombrageant un ruisseau où des faunes poursuivent une nymphe, procède encore
directement de Limitation du Poussin, dont l’influence sur Bôcklin a été immense.
Le second : une étude de terrains, animée par la rêverie d’un petit pâtre couché,
rappelle plutôt Ruysdael. C'est une page franche et fraîche comme de la détrempe,
tout à fait à part dans l’œuvre de Bôcklin et qui s'en détache autant que le tableau
similaire du brun et sombre Lenbach à la galerie Schack, tableau né d'une inspi-
ration pareille, qui a le même accent de vérité vraie, de sincère étude en présence
de la nature et représente aussi un pâtre endormi, mais dans les fleurs au bord
d'un talus.

La vie de Bôcklin a été des plus agitées, des plus errantes. Une seule chose a
été constante pour lui, le travail. Jamais il n'a pu se fixer. Oscillant sans cesse entre
l’Allemagne, l'Italie et la Suisse, il eût rêvé cependant de se créer une villa au bord
de la mer, sur quelque fortuné rivage de Toscane ou de Grande Grèce. Et faute de
pouvoir l’édifier réellement, il l’a peinte plusieurs fois, cette villa de ses rêves. On
en connaissait deux images, toutes deux dans cette galerie que le comte Schack a
léguée en mourant à l’Empereur d’Allemagne et que l’Empereur a eu la bonne
inspiration de laisser en dépôt à Munich. L’une d’aspect crépusculaire, houleuse,
désignée sous l'appellation d'Iphigénie en Tauride, à cause de la figure drapée de
noir qui regarde déferler la mer sur le sable, rappelle la méditation de Gœthe entre-
voyant pour la première fois la terre italienne des bords du lac de Garde; l’autre
évocation est plus calme, plus reposée, en pleine lumière diurne. Or, à la Sécession,
 
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