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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
demande pas un prix excessif. « Il signor Re mio è desyderoso de
tal cose», ajoute-t-elle U La réponse d’Eléonore (30 avril 1488) porte
que les familiers du cardinal de Mantoue, mort criblé de dettes,
s’étaient approprié les médailles, en déduction de leurs créances.
Quant aux camées — évalués de 14 à 18,000 ducats — on les avait
engagés pour 4,000 ducats à Laurent le Magnifique, avec faculté de
les reprendre au bout de huit mois en restituant l’argent prêté. Ces
camées, ajoute la duchesse, étaient de toute beauté; ils provenaient
de la collection du pape Paul II1 2. Laurent le Magnifique, pressenti,
prétexta, le bon apôtre, que les camées se trouvaient entre les mains
de Jean Tornabuoni et qu’il ne pouvait pas en disposer. Mais qui
ne devine l’échappatoire! La vérité est que lui-même en avait envie
et qu'il ne tarda pas à conquérir un trésor sans prix.
Les princes italiens, touchés de cet enthousiasme sans bornes,
rivalisaient à qui ajouterait aux trésors de Corvin, soit une belle
antique, soit quelque ouvrage moderne hors ligne. En 1490, Ludovic
le More lui fit présent d’une statue de Bacchns3; Laurent le Magnifique
de deux bustes en bronze à'Alexandre le Grand et de Darius, fondus
par Verrocchio4. En 1485, Ludovic le More chargea son ambassa-
deur d’annoncer au roi de la Hongrie qu’il lui enverrait « una figura
de Nostra Donna quanto bella, excellente et devota la sapia più
fare », tableau qu’il venait de commander à son intention à « uno
optimo pictore » fixé à Milan 5.
Y
De tant de merveilles créées ou réunies grâce à l’ardente initiative
de Mathias Corvin, que reste-t-il? A peinequelquesmarbres, médailles,
pièces d’orfèvrerie, majoliques ou tentures. Les monuments d’archi-
tecture ont été ruinés au cours des luttes séculaires entre les Turcs
et les vaillantes races qui s’étaient imposé de servir de boulevard à
la chrétienté sur les bords du Danube. Les peintures, tant sur murs
que sur panneaux, ont disparu sans exception aucune; il en est de
1. Diplom., t. III, p. 388.
2. Dipl., t. III, p. 398, 440.
3. Monumenta Hungariœ historica, Dipl., t. IV, p. 149-150.
4. Vasari, ed. Milanesi, t. III, p. 361.
5. Monumenta, Dipl., t. III, p. 44.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
demande pas un prix excessif. « Il signor Re mio è desyderoso de
tal cose», ajoute-t-elle U La réponse d’Eléonore (30 avril 1488) porte
que les familiers du cardinal de Mantoue, mort criblé de dettes,
s’étaient approprié les médailles, en déduction de leurs créances.
Quant aux camées — évalués de 14 à 18,000 ducats — on les avait
engagés pour 4,000 ducats à Laurent le Magnifique, avec faculté de
les reprendre au bout de huit mois en restituant l’argent prêté. Ces
camées, ajoute la duchesse, étaient de toute beauté; ils provenaient
de la collection du pape Paul II1 2. Laurent le Magnifique, pressenti,
prétexta, le bon apôtre, que les camées se trouvaient entre les mains
de Jean Tornabuoni et qu’il ne pouvait pas en disposer. Mais qui
ne devine l’échappatoire! La vérité est que lui-même en avait envie
et qu'il ne tarda pas à conquérir un trésor sans prix.
Les princes italiens, touchés de cet enthousiasme sans bornes,
rivalisaient à qui ajouterait aux trésors de Corvin, soit une belle
antique, soit quelque ouvrage moderne hors ligne. En 1490, Ludovic
le More lui fit présent d’une statue de Bacchns3; Laurent le Magnifique
de deux bustes en bronze à'Alexandre le Grand et de Darius, fondus
par Verrocchio4. En 1485, Ludovic le More chargea son ambassa-
deur d’annoncer au roi de la Hongrie qu’il lui enverrait « una figura
de Nostra Donna quanto bella, excellente et devota la sapia più
fare », tableau qu’il venait de commander à son intention à « uno
optimo pictore » fixé à Milan 5.
Y
De tant de merveilles créées ou réunies grâce à l’ardente initiative
de Mathias Corvin, que reste-t-il? A peinequelquesmarbres, médailles,
pièces d’orfèvrerie, majoliques ou tentures. Les monuments d’archi-
tecture ont été ruinés au cours des luttes séculaires entre les Turcs
et les vaillantes races qui s’étaient imposé de servir de boulevard à
la chrétienté sur les bords du Danube. Les peintures, tant sur murs
que sur panneaux, ont disparu sans exception aucune; il en est de
1. Diplom., t. III, p. 388.
2. Dipl., t. III, p. 398, 440.
3. Monumenta Hungariœ historica, Dipl., t. IV, p. 149-150.
4. Vasari, ed. Milanesi, t. III, p. 361.
5. Monumenta, Dipl., t. III, p. 44.