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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 13.1895

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Nr. 2
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Gronau, Georg: L' art vénitien à Londres, à propos de l'exposition de la New Gallery, [1]: correspondance d'Angleterre
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https://doi.org/10.11588/diglit.24666#0174

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162

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

Une preuve saillante de l’intérêt croissant provoqué par les Vénitiens est
l'exposition qui vient de s’ouvrir à la New Gallenj de Londres. Elle réunit plus de
trois cents tableaux, nombre de dessins, sculptures, bronzes, céramiques, verreries,
dentelles, reliures de livres, etc. Quoiqu'on regrette de n'y point rencontrer plus
d'un tableau de premier ordre, dont les amateurs n’ont pas voulu se dessaisir, une
promenade à travers cette exposition, surtout si on la fait suivre d'une visite à la
National Gallery, donnera de l’art vénitien une idée générale qu’on ne pourrait se
faire ailleurs, en dehors de Venise et des provinces qui appartenaient autrefois à la
Sérénissime République. Le moment semble donc favorable pour une rapide étude
de l’art vénitien à Londres, àl'aide d'une double visite à Regent-street et à Trafalgar-
square.

Le développement de la peinture vénitienne s'accomplit avec une rapidité
prodigieuse, surtout si on le compare au progrès plus continu, mais plus lent, de la
peinture florentine. La gravure allemande offre seule un second exemple d’un pareil
phénomène. Soixante-dix ans à peine s’écoulent entre les premiers essais, tels que
la Passion, de 1446, du Cabinet des estampes de Berlin, et la perfection atteinte dans
le Chevalier, la Mort et le Diable (1513), ou dans la Mélancolie (1514), de Dürer. De
même les tableaux d’autel de Murano de 1440-1446 ne présentent que l'apparence d’un
art encore peu expressif et dénué de mouvement, hésitant et embarrassé ; quelques
dizaines d’années plus tard, Titien donne YAssunla (1518) ou le tableau d'autel de la
famille Pesaro (1526). Et pendant cette période si courte qui sépare l’école de
Murano du Titien, on saisit une chaîne ininterrompue de grands artistes. D’une
part, Alvise Vivarini, tout en concevant ses tableaux d’autel dans le genre de l’école
primitive, donne à ses Vierges et à ses saints une expression profonde et pénétrante
inconnue à ses prédécesseurs et qui exerce sur d’autres Vénitiens une influence
décisive qu’on n'a pas suffisamment notée ; puis Carlo Crivelli met dans sestableaux,
surtout dans ses Pietà, une passion toute nouvelle; d'autre part, les Bell i ni, et sur-
tout Jacopo et Giovanni, escortés de la foule de leurs élèves et imitateurs, engendrent
le doux et mystérieux Giorgione, qui nous introduit dans la grande époque de la
peinture vénitienne.

Toutefois les primitifs indigènes n’étaient pas capables d’exécuter les ouvrages
monumentaux que la Seigneurie de Venise commandait alors à la gloire de la
patrie et pour l'ornement de la salle où se réunissait le grand Conseil des patriciens.
La preuve en est qu’au commencement du xve siècle, vers 1420, Venise appelait de
l’étranger les deux maîtres qui semblaient aux contemporains les premiers de leur
temps : Gentile da Fabriano et Vittore Pisano. Ces deux grands artistes ont éveillé
l’art vénitien, et, à ce titre, ils sont comptés parmi les membres de cette école. Ils
portaient en eux d’ailleurs les qualités propres à la nature vénitienne : l’un, la
perspicacité, l'acuité de vision et d’expression, surtout dans le portrait; l’autre, le
penchant à la mise en scène épique, quoique représentée dans un milieu réel.

Pour prouver quelle immense influence Gentile et Pisano ont exercée sur l’école
vénitienne, nul tableau ne paraît mieux fait que Y Adoration des Mages, d’Antonio de
Murano, au Musée de Berlin (tableau que Morelli attribue à la jeunesse du maître,
entre 1435 et 1440, avant sa collaboration avec Giovanni d’Allemagna l). Si, par
sa composition, cette œuvre rappelle à première vue Gentile da Fabriano (la comparer

1. Galerie de Berlin, p. 73.
 
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