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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
vie qui furent si fécondes, rien ne reste au Castcllo que la petite case-
mate au charmant soffitte bleu et or à ses devises, refuge ou passage
secret, qui donne une haute idée du goût qu’elle avait dû déployer
dans l’appartement qu’il précédait. Des dix années qui suivent, nous
ne retrouvons plus que la voûte du Sludiolo qui laisse voir, dans les
parties où la fresque tombe lentement sous l’action du temps, les
décorations primitives dues au Liombéni, ce peintre familier d’Isa-
belle, dont elle se raille avec esprit dans ses premières lettres de 1491.
Les faits privés de la vie de la marquise, des convenances personnelles
à elle-même,puis àsonfils etàsa belle-fille, expliquent nos déceptions;
mais les faits historiques, les péripéties cruelles du siège de Man-
toue de 1630, qui ont fait de la Mantoue de Louis III, de celle de Jean
François IY, et de la Reggia de Frédéric II, premier duc, une vaste
ruine, expliquent mieux encore l’état actuel du Castello et de la Corte
Vecchio.
Nous avons dit qu’en 1530, après la mort de l’époux d’Isabelle,
Frédéric avait demandé à sa mère de lui céder le Castello 1 : de 1520
à 1531, il allait servir à abriter les personnages qui venaient visiter
les Gonzague. Nous voyons à tour de rôle passer dans la correspon-
dance le duc de Milan, les Este, les frères et sœurs d’Urbin, Man-
fredi comte de Correggio, et La Mirandole. En 1530, c’est Charles-
Quint lui-même, qui, venu à Bologne pour recevoir la couronne
impériale, visite Frédéric Gonzague et le crée duc de Mantoue. Deux
ans après, l’empereury reviendra et couronnera FArioste sur la place
San Pietro.
A chaque nouvel hôte, selon son degré d’importance, le Castello
a été livré aux décorateurs, aux peintres, aux tapissiers ; enfin,
1. La lettre à l’appui a été incidemment publiée par MM. A. Luzio et A. Renier,
dans leur volume déjà cité : Mantovci e Urbino (voir page 248). — On sait que
les Gonzague, en étroites relations de parenté avec les Urbin chassés de leur Etat,
leur avaient donné l’hospitalité dans la Corte Vecchia. La lettre est adressée à ses
cousins Gonzague par Frédéric III, elle tend à obtenir de ces princes de disposer
d'un palais qui leur appartenait, pour y loger les ducs d’Urbin réfugiés chez lui.
Voici le passage qui nous touche : « Comme Votre Seigneurie le sait peut-être déjà,
notre Illustrissime et Excellentissime Mère, depuis bien des mois, a désiré, pourra
commodité et la nôtre, loger à l’avenir dans la Corte Vecchia, et elle y a fait
réparer et aménager des chambres à son gré, pour sa plus parfaite commodité. Une
seule chose très importante reste à régler, c’est de trouver des chambres et tout
un logement pour les Illustrissimes dues et duchesses d’Urbin, nos beaux-frères,
neveux et sœurs, car il serait impossible que toute leur suite, avec celle de notre
mère, put habiter le même lieu sans se gêner mutuellement. »
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
vie qui furent si fécondes, rien ne reste au Castcllo que la petite case-
mate au charmant soffitte bleu et or à ses devises, refuge ou passage
secret, qui donne une haute idée du goût qu’elle avait dû déployer
dans l’appartement qu’il précédait. Des dix années qui suivent, nous
ne retrouvons plus que la voûte du Sludiolo qui laisse voir, dans les
parties où la fresque tombe lentement sous l’action du temps, les
décorations primitives dues au Liombéni, ce peintre familier d’Isa-
belle, dont elle se raille avec esprit dans ses premières lettres de 1491.
Les faits privés de la vie de la marquise, des convenances personnelles
à elle-même,puis àsonfils etàsa belle-fille, expliquent nos déceptions;
mais les faits historiques, les péripéties cruelles du siège de Man-
toue de 1630, qui ont fait de la Mantoue de Louis III, de celle de Jean
François IY, et de la Reggia de Frédéric II, premier duc, une vaste
ruine, expliquent mieux encore l’état actuel du Castello et de la Corte
Vecchio.
Nous avons dit qu’en 1530, après la mort de l’époux d’Isabelle,
Frédéric avait demandé à sa mère de lui céder le Castello 1 : de 1520
à 1531, il allait servir à abriter les personnages qui venaient visiter
les Gonzague. Nous voyons à tour de rôle passer dans la correspon-
dance le duc de Milan, les Este, les frères et sœurs d’Urbin, Man-
fredi comte de Correggio, et La Mirandole. En 1530, c’est Charles-
Quint lui-même, qui, venu à Bologne pour recevoir la couronne
impériale, visite Frédéric Gonzague et le crée duc de Mantoue. Deux
ans après, l’empereury reviendra et couronnera FArioste sur la place
San Pietro.
A chaque nouvel hôte, selon son degré d’importance, le Castello
a été livré aux décorateurs, aux peintres, aux tapissiers ; enfin,
1. La lettre à l’appui a été incidemment publiée par MM. A. Luzio et A. Renier,
dans leur volume déjà cité : Mantovci e Urbino (voir page 248). — On sait que
les Gonzague, en étroites relations de parenté avec les Urbin chassés de leur Etat,
leur avaient donné l’hospitalité dans la Corte Vecchia. La lettre est adressée à ses
cousins Gonzague par Frédéric III, elle tend à obtenir de ces princes de disposer
d'un palais qui leur appartenait, pour y loger les ducs d’Urbin réfugiés chez lui.
Voici le passage qui nous touche : « Comme Votre Seigneurie le sait peut-être déjà,
notre Illustrissime et Excellentissime Mère, depuis bien des mois, a désiré, pourra
commodité et la nôtre, loger à l’avenir dans la Corte Vecchia, et elle y a fait
réparer et aménager des chambres à son gré, pour sa plus parfaite commodité. Une
seule chose très importante reste à régler, c’est de trouver des chambres et tout
un logement pour les Illustrissimes dues et duchesses d’Urbin, nos beaux-frères,
neveux et sœurs, car il serait impossible que toute leur suite, avec celle de notre
mère, put habiter le même lieu sans se gêner mutuellement. »