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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
II.
Nous savons, par le testament de Lotto, qu’il naquit vers 1480, et
nous avons de lui des tableaux signés et datés des années 1500, 1506
et 1508. Nous possédons aussi un groupe d’images sans date, que leur
étroite analogie autorise à attribuer à la même période. Le plus ancien
tableau daté est le petit Saint Jérome du Louvre (n° 1350), peint
en 1500, lorsque Lotto avait vingt ans; mais M. Berenson place
encore plus tôt, à cause de la timidité de l’exécution, une petite
Danaé appartenant à M. Cpnway, de Londres, qui a figuré à l’exposi-
tion des Venetian Masters. Les caractères généraux que l’on constate
dans ces peintures se retrouvent dans la Madone de Naples (vers 1503),
la Madone arec saints de Bridgewater House, le tableau d’autel de Santa
Cristina, près deTrévise, l’un et l’autre un peu postérieurs, Y Assomption
d’Asolo (1506), le Mariage de sainte Catherine à Munich, les deux ouvrages
de 1508, la Madone arec saints de la collection Borghèse et le tableau
d’autel deRecanati, enfin dans le portrait de Hampton Court. Le trait
dominant de ces œuvres est leur ressemblance avec celles d’artistes
comme Alvise Yivarini, Jacopo di Barbari, Buonsignori, Montagna
et Cima da Conegliano, ressemblance qui ne réside pas seulement dans
des détails, comme les formes de l’oreille et de la main, les draperies,
le type du visage, le paysage, la structure et l'attitude du corps, mais
dans la distribution de l’ombre et de la lumière et dans cet élément
si difficileàdéfinirque l’on appelle, faute d’un terme plus précis, Vesprit
d’un tableau. Comparées à celles de ses contemporains un peu plus
âgés, Giorgione et Titien, et de son contemporain Palma, les pein-
tures de Lotto paraissent « timides dans la coloration et archaïques
dans les types »; la couleur des premiers est riche, profonde, har-
monieuse, tandis que celle de Lotto oscille entre des tons sombres
et bitumineux et des tons froids, transparents et durs. Pour Gior-
gione, Titien, Palma, le xve siècle n’est plus qu’un souvenir, alors
que Lotto y parait encore entièrement engagé. La techn ique révèle
encore d’autres différences, qui font que les œuvres de Lotto, rap-
prochées de celles de ses illustres émules-, font l’effet de peintures
ci tempera à côté de tableaux à l’huile. Le contraste entre les lumières
et les ombres est encore aussi vif chez lui que chez les primitifs
du xve siècle, et ses compositions ont conservé quelque chose de
la raideur et de la solennité des leurs. « Ses types sont ascétiques.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
II.
Nous savons, par le testament de Lotto, qu’il naquit vers 1480, et
nous avons de lui des tableaux signés et datés des années 1500, 1506
et 1508. Nous possédons aussi un groupe d’images sans date, que leur
étroite analogie autorise à attribuer à la même période. Le plus ancien
tableau daté est le petit Saint Jérome du Louvre (n° 1350), peint
en 1500, lorsque Lotto avait vingt ans; mais M. Berenson place
encore plus tôt, à cause de la timidité de l’exécution, une petite
Danaé appartenant à M. Cpnway, de Londres, qui a figuré à l’exposi-
tion des Venetian Masters. Les caractères généraux que l’on constate
dans ces peintures se retrouvent dans la Madone de Naples (vers 1503),
la Madone arec saints de Bridgewater House, le tableau d’autel de Santa
Cristina, près deTrévise, l’un et l’autre un peu postérieurs, Y Assomption
d’Asolo (1506), le Mariage de sainte Catherine à Munich, les deux ouvrages
de 1508, la Madone arec saints de la collection Borghèse et le tableau
d’autel deRecanati, enfin dans le portrait de Hampton Court. Le trait
dominant de ces œuvres est leur ressemblance avec celles d’artistes
comme Alvise Yivarini, Jacopo di Barbari, Buonsignori, Montagna
et Cima da Conegliano, ressemblance qui ne réside pas seulement dans
des détails, comme les formes de l’oreille et de la main, les draperies,
le type du visage, le paysage, la structure et l'attitude du corps, mais
dans la distribution de l’ombre et de la lumière et dans cet élément
si difficileàdéfinirque l’on appelle, faute d’un terme plus précis, Vesprit
d’un tableau. Comparées à celles de ses contemporains un peu plus
âgés, Giorgione et Titien, et de son contemporain Palma, les pein-
tures de Lotto paraissent « timides dans la coloration et archaïques
dans les types »; la couleur des premiers est riche, profonde, har-
monieuse, tandis que celle de Lotto oscille entre des tons sombres
et bitumineux et des tons froids, transparents et durs. Pour Gior-
gione, Titien, Palma, le xve siècle n’est plus qu’un souvenir, alors
que Lotto y parait encore entièrement engagé. La techn ique révèle
encore d’autres différences, qui font que les œuvres de Lotto, rap-
prochées de celles de ses illustres émules-, font l’effet de peintures
ci tempera à côté de tableaux à l’huile. Le contraste entre les lumières
et les ombres est encore aussi vif chez lui que chez les primitifs
du xve siècle, et ses compositions ont conservé quelque chose de
la raideur et de la solennité des leurs. « Ses types sont ascétiques.