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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Manufacture 1. La composition n’est guère conforme au récit de
la Gazette de 1667; il n’importe, l'auteur a réuni nombre d’ouvrages
travaillés dans la Maison, groupé maints artistes, et voilà un docu-
ment dont l’autorité et la valeur ne peuvent échapper même aux
indifférents. Seulement, on doit s’en tenir aux conjectures s’il
faut donner un nom à plusieurs des personnages figurés. Ainsi,
de Tuiliers et l’un de ses fils présentent un vase d’or à Louis XIV
accompagné du duc d’Enghien, du prince de Condé, de Colbert. Cela
va sans contestation. Mais trois orfèvres joignent leurs efforts pour
dresser et mettre en équilibre un vase d’argent colossal; un autre,
sur le devant, est agenouillé près d’un brancard ; un autre, dans
l’angle, tient lui aussi un vase. Quels sont-ils? Claude Ballin, Alexis
Loyr, Du Tel, Cousinet? ou bien Yerbeck, Débonnaire, Nicolas
de Launay? Veaucourt, Texier de Mortarsis logé au Louvre après
l’avoir été au Palais-Royal; Pierre Germain qui fit la couverture du
« Livre des Conquêtes du Roi », ou encore JeanGravet? Qui s’avance,
une tapisserie roulée sous le bras, Pierre Lefebvre suivi de Girard
Laurent, deux haut-lissiers, ou bien Jean de la Croix etMozin tapis-
siers de basse-lisse? Jean Jans, le conducteur des premières tapis-
series, à la fondation de l’établissement, et qui avait soixante-sept
ouvriers sous ses ordres, est, je le suppose du moins, l'homme debout
à droite, derrière Le Brun, et, au fond, van der Meulen, le fameux
peintre de champs de bataille, soutient de la main un tableau. Pro-
bablement, c’est Domenico Cucci, monté sur le bord d’un meuble.
Qui lui parle? Philippo Caffieri ou Golle? Quant aux lapidaires
Horazio et Fernando Migliorini, Branchi, Ambrogio Baccetti, si
adroits à assembler le marbre, le jaspe, l’agate, le lapis, on ne peut
s’y tromper : ils portent une tablette et une table décorées de
mosaïques florentines.
Ce Domenico Cucci qu’on vient de rencontrer put s’applaudir
d’avoir été appelé de Rome pour le service de Sa Majesté. En par-
courant les « Comptes des Bâtiments du Roi » (qui s’ouvrent en 1664),
on voit qu’il reçut, au cours de dix années, tout près de 148,000 livres,
soit pour deux cabinets d’ébène destinés à la galerie d’Apollon,
l’un dit « le char d’Apollon », l’autre « le char de Diane », lesquels
coûtèrent 41,500 livres; soit pour deux autres cabinets aussi
d’ébène, également embellis de sculptures, de miniatures, d’or-
1. Le tableau qui a servi de modèle à cette tapisserie, exécuté par Pierre
de Sève, d’après Le Brun, est à Versailles.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Manufacture 1. La composition n’est guère conforme au récit de
la Gazette de 1667; il n’importe, l'auteur a réuni nombre d’ouvrages
travaillés dans la Maison, groupé maints artistes, et voilà un docu-
ment dont l’autorité et la valeur ne peuvent échapper même aux
indifférents. Seulement, on doit s’en tenir aux conjectures s’il
faut donner un nom à plusieurs des personnages figurés. Ainsi,
de Tuiliers et l’un de ses fils présentent un vase d’or à Louis XIV
accompagné du duc d’Enghien, du prince de Condé, de Colbert. Cela
va sans contestation. Mais trois orfèvres joignent leurs efforts pour
dresser et mettre en équilibre un vase d’argent colossal; un autre,
sur le devant, est agenouillé près d’un brancard ; un autre, dans
l’angle, tient lui aussi un vase. Quels sont-ils? Claude Ballin, Alexis
Loyr, Du Tel, Cousinet? ou bien Yerbeck, Débonnaire, Nicolas
de Launay? Veaucourt, Texier de Mortarsis logé au Louvre après
l’avoir été au Palais-Royal; Pierre Germain qui fit la couverture du
« Livre des Conquêtes du Roi », ou encore JeanGravet? Qui s’avance,
une tapisserie roulée sous le bras, Pierre Lefebvre suivi de Girard
Laurent, deux haut-lissiers, ou bien Jean de la Croix etMozin tapis-
siers de basse-lisse? Jean Jans, le conducteur des premières tapis-
series, à la fondation de l’établissement, et qui avait soixante-sept
ouvriers sous ses ordres, est, je le suppose du moins, l'homme debout
à droite, derrière Le Brun, et, au fond, van der Meulen, le fameux
peintre de champs de bataille, soutient de la main un tableau. Pro-
bablement, c’est Domenico Cucci, monté sur le bord d’un meuble.
Qui lui parle? Philippo Caffieri ou Golle? Quant aux lapidaires
Horazio et Fernando Migliorini, Branchi, Ambrogio Baccetti, si
adroits à assembler le marbre, le jaspe, l’agate, le lapis, on ne peut
s’y tromper : ils portent une tablette et une table décorées de
mosaïques florentines.
Ce Domenico Cucci qu’on vient de rencontrer put s’applaudir
d’avoir été appelé de Rome pour le service de Sa Majesté. En par-
courant les « Comptes des Bâtiments du Roi » (qui s’ouvrent en 1664),
on voit qu’il reçut, au cours de dix années, tout près de 148,000 livres,
soit pour deux cabinets d’ébène destinés à la galerie d’Apollon,
l’un dit « le char d’Apollon », l’autre « le char de Diane », lesquels
coûtèrent 41,500 livres; soit pour deux autres cabinets aussi
d’ébène, également embellis de sculptures, de miniatures, d’or-
1. Le tableau qui a servi de modèle à cette tapisserie, exécuté par Pierre
de Sève, d’après Le Brun, est à Versailles.