GAZETTE DES BEAUX-AltTS.
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veauté, le dégoût des formules apprises, la satiété des complications
nous font revenir aux naïves simplicités des premiers âges de la
peinture. Mais il nous manque ce qui en était l’âme. Nous ne sommes
plus que les dilettanti de la foi comme de l’art; nous comprenons
trop de choses pour être croyants et passionnés. Nous n’avons pas
pour notre Dieu l’amour que les Hellènes ressentaient pour les leurs
et notre sympathie pour ces gothiques, si religieux, n’est plus que
le goût d’un siècle vieillissant pour tout ce qui est jeune et frais.
La présence perpétuelle de la divinité qui fît la grandeur de l’art
antique a fait aussi celle de l’art chrétien au moyen âge. Avec la
Renaissance, cette âme mystique s’est éteinte. Depuis, le culte de
la beauté, l’amour des formes et des couleurs, le souci de charmer
les yeux ont été le seul but de la peinture. C’est encore celui do
nos artistes, et toutes leurs tentatives pour revenir à la simpli-
cité du moyen âge ne sont qu’un raffinement d'intelligence et de
virtuosité.' En même temps, la critique d’art ayant décrit tous les
tableaux qui l’ont attirée, ayant épuisé tout son vocabulaire à
exprimer les sensations que leur vue lui faisait éprouver, se trouve
aujourd’hui fatiguée dans ses admirations comme dans son style.
Alors que faire? Où aller? Quels maîtres nouveaux découvrir?
Les maîtres d’Italie sont trop connus. A l'exception de Léonard de
Vinci dont la vie est aussi mystérieuse que le génie, peintres, sculp-
teurs, architectes, médailleurs sont étudiés et reproduits partout.
Vers quelles contrées faut-il donc émigrer pour retrouver la jeunesse
perdue? Les fouilles de l’Acropole, d’Olympie, de Délos, de Myrrhina,
de Delphes, nous révèlent des civilisations que nous soupçonnions
â peine. Une Grèce nouvelle sort des ruines et avec elle un art-
étrange et puissant. Nous commençons à comprendre les mythes
antiques dans leur symbolisme grandiose, dans leur attitude terrible,
si éloignée de la grâce jolie que leur avaient prêtée les artistes de la
décadence. C’est de ce côté que l’art va s’orienter et la critique,
d’éloquente, mais parfois superficielle, devra se faire érudite. 11 lui
faudra pénétrer et exprimer l’énigme de ces œuvres; et c’est là une
tâche pour laquelle ce ne sera pas trop de la science la plus étendue
comme du stylo le plus fort.
GASTOX SCHEFER.
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veauté, le dégoût des formules apprises, la satiété des complications
nous font revenir aux naïves simplicités des premiers âges de la
peinture. Mais il nous manque ce qui en était l’âme. Nous ne sommes
plus que les dilettanti de la foi comme de l’art; nous comprenons
trop de choses pour être croyants et passionnés. Nous n’avons pas
pour notre Dieu l’amour que les Hellènes ressentaient pour les leurs
et notre sympathie pour ces gothiques, si religieux, n’est plus que
le goût d’un siècle vieillissant pour tout ce qui est jeune et frais.
La présence perpétuelle de la divinité qui fît la grandeur de l’art
antique a fait aussi celle de l’art chrétien au moyen âge. Avec la
Renaissance, cette âme mystique s’est éteinte. Depuis, le culte de
la beauté, l’amour des formes et des couleurs, le souci de charmer
les yeux ont été le seul but de la peinture. C’est encore celui do
nos artistes, et toutes leurs tentatives pour revenir à la simpli-
cité du moyen âge ne sont qu’un raffinement d'intelligence et de
virtuosité.' En même temps, la critique d’art ayant décrit tous les
tableaux qui l’ont attirée, ayant épuisé tout son vocabulaire à
exprimer les sensations que leur vue lui faisait éprouver, se trouve
aujourd’hui fatiguée dans ses admirations comme dans son style.
Alors que faire? Où aller? Quels maîtres nouveaux découvrir?
Les maîtres d’Italie sont trop connus. A l'exception de Léonard de
Vinci dont la vie est aussi mystérieuse que le génie, peintres, sculp-
teurs, architectes, médailleurs sont étudiés et reproduits partout.
Vers quelles contrées faut-il donc émigrer pour retrouver la jeunesse
perdue? Les fouilles de l’Acropole, d’Olympie, de Délos, de Myrrhina,
de Delphes, nous révèlent des civilisations que nous soupçonnions
â peine. Une Grèce nouvelle sort des ruines et avec elle un art-
étrange et puissant. Nous commençons à comprendre les mythes
antiques dans leur symbolisme grandiose, dans leur attitude terrible,
si éloignée de la grâce jolie que leur avaient prêtée les artistes de la
décadence. C’est de ce côté que l’art va s’orienter et la critique,
d’éloquente, mais parfois superficielle, devra se faire érudite. 11 lui
faudra pénétrer et exprimer l’énigme de ces œuvres; et c’est là une
tâche pour laquelle ce ne sera pas trop de la science la plus étendue
comme du stylo le plus fort.
GASTOX SCHEFER.