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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
contre, les modèles de l’Hébé sculptée pour Mme de Pompadouret des
Cariatides placées chez Mrae GeofFrin étaient, parait-il, des morceaux
achevés. Hébé se recommandait par la simplicité de la pose, ce qui
est une qualité toujours appréciable en sculpture. Mais l’œuvre
capitale de Saly, exécutée en France, fut sa statue de Louis XV.
Nous en connaissons l’eau-forte. On dirait, devant l’estampe, un
marbre timide, sculpté avec hésitation. Mariette, qui a vu l’original,
nous apprend que certaines parties n’étaient pas terminées quand
l’artiste, appelé hors de France, hâta l’inauguration. Il n’est pas
douteux que si nous comparons la statue de Louis XV par Saly à
celles de Pigalle à Reims, de Lemoyne à Rennes, de Guibal et
Cyfflé à Nancy, c’est Pigalle qu’il faut proclamer le plus habile. Et
cependant, lorsqu’il travaille à loisir, avec pleine liberté, Saly,
consciencieux entre tous, sobre, simple, élevé, prend place sur le
même rang que Pigalle parmi les sculpteurs du dernier siècle. Ses
esquisses, ses modèles ordinairement bien conçus et sagement
exécutés, avaient un grand charme. Peut-être l’esquisse en terre
cuite de la statue de Louis XV conservée naguère dans le cabinet d’un
amateur, M. Royer, avoué à Valenciennes, permettrait-elle d’en
appeler de l’eau-forte qui nous reste et des critiques de Mariette ?
L’artiste, heureux d’offrir un monument à sa ville natale, s’était
proposé d’orner le piédestal de la statue de Louis XV de deux bas-
reliefs. Pressé par le temps, appelé en Danemark, il lui fut impossible
de modeler ces bas-reliefs pour le 10 septembre 1752, mais il s’était
promis de se tenir parole et de parachever son ouvrage lorsque
Frédéric V lui laisserait quelque loisir. La ville de Valenciennes
avait réglé les frais du monument entre les mains de Saly. Ces frais
se montaient à 27,786 livres 17 sols dont le sculpteur s’était imposé
de justifier l’emploi. Son offre demeurait intacte : il n’avait pas voulu
d’honoraires. Un solde de 503 livres restait entre ses mains. Il voulut
le restituer. On ne crut pas devoir l’accepter. En effet les bas-reliefs
qu’il se proposait de sculpter exigeraient des dépenses supérieures à
ce çhiffre. Il en convint, conserva la somme, et quitta la France.
Douze ou treize ans s’étant écoulés sans que les bas-reliefs
attendus parvinssent à Valenciennes, l’opinion s’émut. On oublia le
bienfait pour ne retenir que la dette. L’équité n’est pas la vertu des
foules. Saly ne pouvait soupçonner l’état d’esprit de ses compatriotes.
Sur ces entrefaites, Pierre Patte, architecte du prince Palatin, duc
régnant des Deux-Ponts, publia son ouvrage sur les Monuments érigés
à la gloire de Louis XV. Patte s’était évidemment renseigné auprès
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
contre, les modèles de l’Hébé sculptée pour Mme de Pompadouret des
Cariatides placées chez Mrae GeofFrin étaient, parait-il, des morceaux
achevés. Hébé se recommandait par la simplicité de la pose, ce qui
est une qualité toujours appréciable en sculpture. Mais l’œuvre
capitale de Saly, exécutée en France, fut sa statue de Louis XV.
Nous en connaissons l’eau-forte. On dirait, devant l’estampe, un
marbre timide, sculpté avec hésitation. Mariette, qui a vu l’original,
nous apprend que certaines parties n’étaient pas terminées quand
l’artiste, appelé hors de France, hâta l’inauguration. Il n’est pas
douteux que si nous comparons la statue de Louis XV par Saly à
celles de Pigalle à Reims, de Lemoyne à Rennes, de Guibal et
Cyfflé à Nancy, c’est Pigalle qu’il faut proclamer le plus habile. Et
cependant, lorsqu’il travaille à loisir, avec pleine liberté, Saly,
consciencieux entre tous, sobre, simple, élevé, prend place sur le
même rang que Pigalle parmi les sculpteurs du dernier siècle. Ses
esquisses, ses modèles ordinairement bien conçus et sagement
exécutés, avaient un grand charme. Peut-être l’esquisse en terre
cuite de la statue de Louis XV conservée naguère dans le cabinet d’un
amateur, M. Royer, avoué à Valenciennes, permettrait-elle d’en
appeler de l’eau-forte qui nous reste et des critiques de Mariette ?
L’artiste, heureux d’offrir un monument à sa ville natale, s’était
proposé d’orner le piédestal de la statue de Louis XV de deux bas-
reliefs. Pressé par le temps, appelé en Danemark, il lui fut impossible
de modeler ces bas-reliefs pour le 10 septembre 1752, mais il s’était
promis de se tenir parole et de parachever son ouvrage lorsque
Frédéric V lui laisserait quelque loisir. La ville de Valenciennes
avait réglé les frais du monument entre les mains de Saly. Ces frais
se montaient à 27,786 livres 17 sols dont le sculpteur s’était imposé
de justifier l’emploi. Son offre demeurait intacte : il n’avait pas voulu
d’honoraires. Un solde de 503 livres restait entre ses mains. Il voulut
le restituer. On ne crut pas devoir l’accepter. En effet les bas-reliefs
qu’il se proposait de sculpter exigeraient des dépenses supérieures à
ce çhiffre. Il en convint, conserva la somme, et quitta la France.
Douze ou treize ans s’étant écoulés sans que les bas-reliefs
attendus parvinssent à Valenciennes, l’opinion s’émut. On oublia le
bienfait pour ne retenir que la dette. L’équité n’est pas la vertu des
foules. Saly ne pouvait soupçonner l’état d’esprit de ses compatriotes.
Sur ces entrefaites, Pierre Patte, architecte du prince Palatin, duc
régnant des Deux-Ponts, publia son ouvrage sur les Monuments érigés
à la gloire de Louis XV. Patte s’était évidemment renseigné auprès